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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/850

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LES
RISQUES DU MÉTIER DE PRINCE

LES CONJURATIONS
L’HUMANISME ET L’IMITATION DE L’ANTIQUITÉ


I

Le souci qui dévorait César Borgia ronge également tous les « princes nouveaux, » tous les tyrans dont l’Etat, comme le sien, manque de fondamento[1]. Comme César, ils sentent à chaque instant combien leur domination est instable et précaire. Pour la plupart partis de rien, élevés par art ou hasard, » ils tremblent de retourner subitement à rien. Un jour ils ont vu passer « l’occasion, » ils l’ont connue, ils l’ont cueillie ; mais qui sait le temps que durera « la fortune » et si, comme celle de César, — fortuna verde, — elle se gardera « verte ? » Même la plus « fraîche » se dessèche, la plus constante même est infidèle. Le tyran, le « prince nouveau » est partout entouré de périls ; jamais son œil ni son oreille ne se peuvent reposer : il faut qu’il épie et qu’il écoute.

Il est menacé du dehors ; car cet autre tyran, cet autre « prince nouveau, » son voisin, a sans doute envie de s’arrondir, qui est, lui aussi, « grand connaisseur de l’occasion, » grand favori de la fortune, et n’observe sa foi que lorsqu’il a intérêt à ne pas la violer : point de paix, point d’amitié, point d’alliance, point de parentado, de mariage ou de parenté, aucune union de

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1906.