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devait facilement les suivre ; ils se proposaient de lui donner à piller la maison de messer Cecco Simonetta, de Giovanni Botti et de Francesco Lucani, tous hommes importans dans le gouvernement ; et par ce moyen de se mettre eux-mêmes en sûreté et de rendre la liberté au peuple.

Ce projet de livrer les maisons au pillage gâte un peu le personnage des tyrannicides, mais c’était alors une coutume, et comme la part faite au feu. On pourrait s’étonner aussi de les voir choisir une église pour théâtre de leur forfait, fût-il à leurs yeux un exploit ; par eux, le sang allait souiller le parvis. Ils en furent peut-être un moment émus, comme devait l’être, deux ans après, à Florence, lors de la conjuration des Pazzi, le capitaine Giovan Batista da Montesecco, qui refusa d’ajouter le sacrilège à la trahison en frappant, dans le Dôme même, Laurent et Julien de Médicis ; refus qui, bien que deux prêtres se fussent entendus pour prendre la place de Giovan Batista, fit manquer en partie le complot, parce qu’il força les conjurés à changer à la hâte leurs dispositions. Mais il y avait des précédens, et d’ailleurs les églises n’étaient pas ce qu’elles sont maintenant, consacrées uniquement à la prière : on s’y assemblait pour des actes dont on pourrait dire qu’ils n’avaient rien de religieux, si la religion n’eût pénétré toute la vie civile, politique et sociale de ce temps-là. Jean-Marie Visconti, en 1412, avait été assassiné à l’entrée de l’église Saint-Gothard de Milan ; les Chiavelli de Fabriano, en 1435, avaient été frappés pendant la grand’messe » au moment où le célébrant prononçait les mots : Et incarnatus est, signal convenu entre les conjurés.

Et puis, la haine d’Olgiato et de ses compagnons, leur surexcitation et leur enthousiasme étaient tels que, de bonne foi, leur entreprise leur apparaissait non seulement grande devant les hommes, mais sainte devant Dieu : et sainte, ils la vouèrent au saint près de l’autel de qui ils allaient frapper. Girolamo, dans sa confession, l’avoue et presque s’en vante : « Tous ces huit ou dix jours avant Noël, nous nous réunîmes en armes derrière Saint-Ambroise, dans la ruelle qui sépare les deux jardins du monastère. Là, les pactes jurés, j’entrai dans l’église et me jetai aux pieds d’une statue du saint. — grand Père Ambroise, dis-je, soutien de notre cité, espérance et refuge du peuple milanais, si le dessein t’est agréable que nous, tes concitoyens et fidèles, avons formé seulement pour donner la liberté à la patrie, sois-nous