Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 37.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui désignerait, s’il consentait à la laver entièrement le lendemain de l’imputation d’adultère. Mirabeau y consentit. Mais son plaidoyer était composé ; il ne put que le mutiler, que l’affaiblir, et qu’écarter du front d’Emilie la foudre, non le nuage. Peu satisfaite de cette demi-rétractation, elle retira après l’audience ses promesses. Si son calcul n’avait été que de paralyser Mirabeau et de lui donner l’air désavantageux d’une hésitation ou d’un recul, elle n’avait pas trop mal compté. Le procès reprit. Finalement, la Cour, écartant les griefs allégués par la comtesse et ne retenant à la charge de Mirabeau que la diffamation résultant de la lecture et du commentaire de la lettre d’Emilie au mousquetaire Gassaud, prononça la séparation de corps et d’habitation. Mais la comtesse aurait-elle la liberté de sa personne, ou serait-elle mise au couvent, ou laissée à la surveillance de son père ? Une sentence intervint qui lui donna toute liberté (5 juillet 1783).

Cet arrêt et les juges qui l’avaient rendu furent sifflés ; des ovations accompagnèrent le tribun vaincu. Les Marignane, embarrassés d’une victoire si mal accueillie, se réfugièrent à la campagne. M. de Galliffet reçut des injures et même des pierres, et on le chansonna. Le jour même de l’arrêt, il fut prié par le comte de Mirabeau de lui rendre raison de l’injure récemment faite à Mme de Vence et des provocations de toute sa conduite pendant le procès. On a plusieurs versions de cet épisode. Les partisans de Mirabeau prétendirent qu’en cette affaire, le colonel de Galliffet s’était comporté sans entrain, et qu’il avait mérité même que son adversaire lui fit un envoi d’écrevisses avec ce mot : Parce qu’elles reculent.

Le comte de Galliffet semble n’avoir eu tout d’abord que la crainte d’encourir la peine de duelliste, en acceptant un appel et un rendez-vous fixe qui eût fourni la preuve de cet appel. Nouvelle visite de Mirabeau le lendemain matin ; et le soir, à la Comédie, nouvelle provocation, qui fait du scandale et embarrasse M. de Galliffet. Le rendez-vous pour le lendemain est pourtant confirmé.


M. de Galliffet partit de la plate-forme à onze heures ; il rencontra à peu de distance M. de Mirabeau qui lui dit qu’il était suivi, et qu’il était presque sûr qu’on allait leur donner des gardes. Comme le terrain n’était d’ailleurs pas propre ni le lieu assez solitaire pour le combat, M. de Galliffet dit à M. de Mirabeau que personne ne les suivait et qu’il se rendit le plus tôt