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baptême de Cymodocée dans les eaux du Jourdain, avait primitivement écrit : « Les flots se divisent autour des chastes appas de la jeune catéchumène… » Il s’est heureusement corrigé sur l’épreuve ; et posant, comme dit le poète,


Posant sur sa beauté son respect comme un voile,


« autour de la jeune catéchumène, » écrit-il simplement dans l’édition originale, qui supprime aussi, quelques lignes plus loin, plusieurs épithètes trop indiscrètement admiratives.

De même que la convenance morale, la vraisemblance psychologique n’est pas toujours respectée dans le manuscrit envoyé à l’impression. Par exemple, dans le discours d’Hiéroclès, certains traits sont de trop ; certaines paroles, qui n’ont pas été déplacées dans la bouche d’un terroriste, le sont dans la sienne :


Eh bien ! — s’écrie-t-il, — eh bien ! un peu de sang coulera ! Ce sang est-il donc si pur ? Nous nous attendrirons sans doute sur le sort des criminels, car la philosophie rend le cœur sensible ; mais nous admirerons la loi qui frappera les victimes, pour la consolation des sages et le progrès des lumières.


Ces quelques lignes sont devenues ceci dans le texte imprimé :


Eh bien ! un peu de sang coulera ! Nous nous attendrirons sans doute sur le sort des criminels, mais nous admirerons, nous bénirons la loi qui frappera les victimes pour la consolation des sages et le bonheur du genre humain.


Ailleurs enfin, ce sont des raisons de prudence qui ont déterminé la suppression du passage que voici, et où les allusions à Napoléon étaient décidément trop visibles :


Cyrille et les vieux évêques s’étaient opposés à cette démarche. — Vous ne suivez pas, disaient-ils au fils de Lasthénès d’une voix sévère, vous ne suivez pas les préceptes du Dieu qui peut-être va vous appeler à lui. Galérius est votre souverain légitime. Il ne vous est pas permis de songer à briser son sceptre. Ah ! laissez-le jouir de ce trône dont vous le voulez précipiter. Il y trouvera des dégoûts qui vous vengeront assez. Le pouvoir a une amertume secrète que la vertu seule peut adoucir, et quiconque règne sur les hommes pour les rendre malheureux, est cent fois plus à plaindre que ses victimes.

Ces maximes de résignation et d’indulgence étaient d’autant plus belles qu’elles sortaient de la bouche d’un martyr. Mais le sang de Philopœmen qui coulait dans les veines d’Eudore se soulevait malgré lui contre la licence de l’autorité absolue. Selon le jeune chrétien, se soumettre à la tyrannie, c’était légitimer l’esclavage. Cette pensée de révolte qu’approuvait