assez d’autres textes, et la critique était assez avancée. Mais l’influence de Plutarque avait été la plus forte, et sa fortune achève ainsi de s’expliquer à nous par elle-même. C’est à Plutarque, au bon Plutarque, que la France classique, d’une manière générale, empruntera son « idée » de l’antiquité gréco-latine, et elle l’empruntera à Plutarque parce qu’il a eu ce bonheur de rencontrer Amyot pour le traduire. Et Amyot, seul ou presque seul de tous les traducteurs, survivra dans l’histoire, un peu parce qu’il est Amyot, mais surtout parce qu’il a traduit Plutarque. Dans une espèce d’Encyclopédie d’un caractère franchement cosmopolite, où l’on ne s’intéresse presque plus à l’homme en tant que citoyen de la République ou de sa petite ville, mais en tant que citoyen du monde, Plutarque, dont les curiosités paraissent avoir quelquefois ressemblé à celles d’une vieille femme, a réuni des renseignemens que l’on ne trouvera pas ailleurs, chez Tacite, par exemple, ou chez Platon, et ces renseignemens Amyot nous les a rendus dans une langue purement française, familière et facile, capable au besoin de force et d’éloquence. Et parce qu’il y a là une rencontre unique dans l’histoire de nos littératures modernes, il y a donc une fortune unique, et que, par une dérision singulière, on est constamment tenté de regarder comme excessive, quoique d’ailleurs, en l’examinant de plus près, on ne la trouve pas imméritée.
Le cas encore de celui-ci, Jean Bodin, est assez singulier pour la manière dont on y voit s’allier dans le même homme aux vues et aux « anticipations » les plus pénétrantes les pires superstitions. L’auteur de ces six livres de la République, où l’on a pu voir quelquefois une ébauche encore assurément confuse, mais une ébauche de l’Esprit des Lois, et qui est en tout cas le premier livre français que l’on ait écrit en ce genre, est aussi l’auteur de la Démonomanie des Sorciers, lequel est bien l’un des livres, à tous les égards, les plus exécrables qu’il soit possible de citer et de concevoir en notre langue. Il est aussi l’un des plus fermes soutiens de l’astrologie judiciaire en même temps que l’un de ceux qui ont fondé chez nous la « philosophie de l’histoire. » Et, pour l’achever enfin de peindre, il a