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mit aux pieds du roi, jura son hommage, renonça à toute rancune et donna à Charles le baiser de paix (§ 187).

Girard retourna à Roussillon « et fit faire je ne sais combien de moutiers, qu’il remplit de moines et de reliques. » Pendant ces cinq années, il redevient l’ami du roi, l’aide dans ses guerres contre les Sarrasins, contre Raimbaut le Frison et d’autres ennemis. Ainsi dura bien leur entente soixante mois. Le terme arrive enfin de l’exil de Thierry. Il rentre à la cour de Charles, avec la permission de Girard, qui lui pardonne ses torts anciens. Il rentre, et les vieilles discordes se réveillent.

Girard, en effet, a pardonné ; mais non les autres membres de son lignage. Ses cousins, Boson d’Escarpion et Seguin, fils d’Odilon, attirent dans une embuscade deux des fils de Thierry d’Ascagne, à Saint-Germain-des-Prés, et les tuent. Ils tuent aussi le vieux Thierry. Par là recommencèrent des guerres atroces (§ 212).

Girard n’était pour rien dans cette trahison ; mais le roi l’en rend responsable. Comme Girard s’est remis à la voie vers Roussillon pour s’y mettre en sûreté, Charles permet à ses ennemis de lui dresser sur sa route une embûche, qu’il évite, mais dont il garde rancune. Par représailles, un cousin de Girard, Fouchier, qui joue dans le poème un rôle d’enchanteur et de larron analogue à celui de Maugis d’Aigremont, s’en va de nuit piller le château royal. Excités par ces torts réciproques, Girard et Charles ne peuvent plus que reprendre leur guerre. Charles ordonne à son vassal de venir à sa cour se justifier par combat judiciaire du meurtre de Thierry ; Girard, qui se sait innocent, se refuse à cette exigence, et le roi envahit sa terre. « La haine dura vingt ans, jusqu’à ce que les jeunes hommes fussent devenus chenus. »

Les batailles succèdent aux batailles : Girard est défait à Verduneis (peut-être Verdonnet, canton de Laignes, arrondissement de Châtillon-sur-Seine, § 323) ; il est défait encore à Civaux-sur-la-Vienne (canton de Lussac, arrondissement de Montmorillon, village auprès duquel il y a de nombreux sarcophages de pierre, § 403) ; à Vaucouleurs enfin. Girard, toujours vaincu, est peu à peu abandonné de ses vassaux, les Bourguignons exceptés ; il n’a plus assez d’hommes pour les risquer en bataille rangée. Mais il harcèle le roi en des escarmouches, et, comme la desmesure s’est emparée de lui, il s’attire la colère de Dieu. C’est ainsi qu’ayant surpris cent royaux qui s’étaient réfugiés à l’abri d’une croix et