Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses sujets, un souverain les appelle « la vieille suie. » Comme la lumière du soleil fait l’atmosphère commune de la vie extérieure, la fumée fait l’atmosphère familiale de la case. Une loi d’expulsion dit : « S’il vous demande du feu, ne lui en donnez pas. Forcez-le à quitter le village, il ne doit point partager votre fumée. » La fumée est l’encens domestique de cette civilisation de paille et de bois. Elle est le signe du temps. Il semblerait aussi que la flamme, la lumière allumée par les hommes, si précieuse aux âges où ils abordèrent dans l’île, ait été vénérée ou simplement choyée par cette race dans le sentiment plus ou moins conscient de la consomption du temps. Dans ces demeures, le flambeau, remplaçant la pendule, en a pris les formes artistiques analogues à celles que nous admirons en Europe. Il est devenu l’objet luxueux et stylisé de la maison humaine : modeste tabernacle de races plus réalistes que mystiques, elle copie la maison et le tombeau. Si le feu du foyer suffit à éclairer la case, cependant les Merinas se servent aussi de lampes taillées dans une belle pierre rouge : les plus décoratives se composent de piliers ornés de dessins de fleurs, d’oiseaux et de feuillages, qui, s’élevant en trapèze, soutiennent une petite coupe où une mèche brûle dans de la graisse de bœuf, de sorte que le feu y est présenté architecturalement comme sur un autel.

Point de sièges : des nattes doubles et triples, fines, légères, coloriées, recouvrent le sol. Le Malgache vit assis, les mains se fermant sur les genoux rejoints sous le lamba, « en tas. » Même en plein air, adossé au mur de la case ou à, croupetons devant un étalage de fruits, il conserve la position recroquevillée de l’homme qui se chauffe assis devant la flamme. La majorité des Malgaches dorment sur les nattes, la tête sur une pierre, près du foyer. A l’entour, l’instrument d’art, le tambour, creusé dans un tronc, ressemble au mortier de riz fouillé dans un madrier, ustensile de cuisine ; le bambou vidé avec lequel les femmes vont en bande puiser l’eau qui chante à la ravine, est pareil au bambou sonore du violon ou valiha ; les deux tronçons de bois où des pistons grossiers poussent l’air qui attise les forges à minerais se confondent avec les boîtes à miel ; la cuillère à long manche, les fourches à rôtir la viande, l’angady à piocher rappellent, au fond fuligineux de la case, la sagaie et la lance de guerre ; le plat de bois ovale et bombé, le bouclier