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donnèrent à la famille la plus pauvre. Un autre jour, on parlait devant deux enfans d’une garderie d’un vieillard mourant que sa fille est obligée de laisser à la surveillance d’un bébé, afin d’aller très loin gagner quelques sous. Les deux enfans, sans rien dire, visitent le vieux, font son ménage, allument son feu, le veillent et lui apportent des gâteaux et des fruits.

Et Mme Piérard terminait en souriant :

— Nous avons peut-être réalisé la Maison du peuple que rêvait Louise Michel.

Les résidentes en effet sont l’âme même de la maison sociale. Devient-on résidente ? on l’est plutôt de naissance. Imaginez cette vie, dans un de ces faubourgs populeux, si lointains que l’on croit n’être plus dans Paris. Les maisons sociales ne sont pas de grandes bâtisses où il y a beaucoup de place pour chacun : elles sont étroites, petites, et même pauvres. Les Résidentes ont là une chambrette sans cesse envahie par les femmes, les enfans du quartier ; il faut répondre à tous, savoir presque tout et montrer constamment une humeur égale, de la gaîté, de la bonté. Les joies faciles de la vie sont supprimées, il n’y a que des devoirs. Pour remplir cette tâche, quelle puissance spontanée de dévouement, de zèle, d’amour est nécessaire ! Et pourtant, si les débuts d’une œuvre rencontrent d’ardens enthousiasmes, il faut prévoir l’avenir où les plus belles qualités du cœur ne seront pas suffisantes et devront se compléter de connaissances indispensables. Aussi plusieurs résidentes ont-elles déjà conquis les diplômes d’infirmières, le certificat d’aptitude à l’enseignement ménager, ou se sont obligées à un véritable apprentissage professionnel ou commercial.

Autour des résidentes se groupent les auxiliaires, aujourd’hui au nombre de deux cents. L’auxiliaire est surtout une jeune femme ou une jeune fille du monde qui, à jours et à heures déterminées par un roulement régulier, vient aider la résidente. Il faut que l’union soit la plus intime entre les résidentes et les auxiliaires. Les premières instruisent les secondes, et il n’est pas rare que celles-ci passent des journées entières à la maison sociale ou y fassent même « des séjours de plusieurs semaines, véritables stages de résidence[1]. »

Pénétrons maintenant dans l’intérieur de ces maisons

  1. La Maison sociale, p. 8, par Mlle de Gourlet.