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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/480

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un aussi dur combat. Mais la législature qui commence ne se terminera pas sans amener des changemens que tout le monde prévoit. Pourquoi n’en serait-il pas de même entre le gouvernement russe et le groupe des cadets ? Ils ont fait l’un contre l’autre l’épreuve de leurs forces, et ils ne sont pas venus à bout l’un de l’autre. Dans ces conditions, le mieux est de s’arranger.

Si les cadets ont compris la leçon des événemens, leçon d’ailleurs très claire, ils reconnaîtront, sans être obligés de l’avouer tout haut, qu’ils ont fait fausse route dans la première Douma. Éblouis de leur force numérique, ils se sont crus maîtres de la situation. Le pays n’était-il pas avec eux ? Soutenus par lui, ne pouvaient-ils pas s’imposer au gouvernement avec l’intégralité d’un programme qui, sans être révolutionnaire, n’en était pas moins à quelques égards inquiétant ? Ils ont essayé de le faire et n’y ont nullement réussi. La dissolution est survenue sans qu’ils l’eussent prévue. Alors ils ont espéré que le pays allait se soulever en leur faveur, et nous ne sommes pas bien sûr que le gouvernement ne l’ait pas quelque peu redouté. Ni d’un côté, ni de l’autre, on ne savait ce qui allait arriver : on se le demandait avec anxiété. L’événement n’a justifié ni l’espérance des cadets, ni les appréhensions du gouvernement. En dépit de quelques échauffourées, le pays est resté tranquille et l’armée fidèle. Les impôts sont rentrés comme d’habitude. Aucun cataclysme ne s’est produit.

A partir de ce jour, le gouvernement a commencé à se sentir plus solide qu’il ne s’était cru lui-même, et on a pu craindre qu’il n’abusât d’une force dont il venait de prendre conscience. Il ne l’a pas fait ; c’est ce qui honore M. Stolypine. M. Stolypine a exercé, à la vérité, une pression électorale extrêmement énergique : si on le lui reprochait, il répondrait sans doute, comme M. de Bülow, qu’il l’a fait et qu’il le referait à l’occasion. Il dirait que c’était son droit et son devoir. Mais il a respecté, au moins dans la forme, les institutions relativement libérales données à la Russie par le manifeste d’octobre 1905, et il n’a pas éloigné d’un jour la réunion promise de la nouvelle assemblée. C’est pourquoi les cadets, pour peu qu’ils soient sages, comprendront que le pays ne marcherait pas avec eux, ou les soutiendrait mollement, ou les laisserait tomber lourdement, s’ils renouvelaient les fautes qu’ils ont commises l’année dernière. Ils comprendront aussi qu’ils ont en face d’eux un gouvernement qui, bien qu’il n’ait eu pour eux aucun ménagement, mérite qu’on en ait quelques-uns pour lui. S’il n’a pas toujours fait preuve de prévoyance et d’adresse, il a toujours fait preuve de loyauté ; après avoir donné sa