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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/483

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correcte. On pourrait peut-être se faire par avance une idée du programme du gouvernement, et sinon des solutions qu’il proposera, au moins des questions qu’il posera. Mais pourquoi essayer de soulever un coin du voile qui doit se lever tout entier dans peu de jours ? Il suffit de dire que le gouvernement mettra tout de suite la Douma en présence d’un certain nombre de projets qui ont été sérieusement élaborés, et qui ont pour objet de préparer la « législation sociale » dont M. Golovine a parlé dans son discours. Cela seul établit une différence immense, et fort heureuse, entre le gouvernement d’aujourd’hui et celui d’hier. Combien de fois n’avons-nous pas déploré l’inconcevable attitude de M. Goremykine devant l’ancienne Douma ! On se souvient qu’il ne lui a soumis aucun projet de loi, ou que ceux qu’il lui a proposés avaient un caractère d’insignifiance dérisoire. C’est un des motifs principaux pour lesquels la malheureuse assemblée a été réduite à travailler dans le vide et à se livrer à des manifestations sans portée. Il n’en sera pas de même pour la Douma actuelle avec M. Stolypine. Elle pourra s’adonner tout de suite à une œuvre législative, ou sociale comme dit M. Golovine, concrète et définie : si elle s’en laissait détourner et distraire, ce serait sa faute et il serait difficile de lui trouver des excuses. Puisqu’elle veut travailler « en union avec le monarque, » qu’elle s’applique, sauf à les corriger et à les amender, aux projets qui lui seront soumis en son nom. Une tendance très dangereuse pour les assemblées, surtout lorsqu’elles sont jeunes et inexpérimentées, les porte à vouloir tout entreprendre à la fois : il n’y a pas de moyen plus sûr de ne rien faire que de superficiel, d’incomplet, ou, pour mieux dire, de manqué. Nous espérons que la Douma échappera à ce péril que sa devancière n’a pas évité. On nous disait autrefois qu’il fallait « sérier » les questions : c’est le secret de la sagesse parlementaire.

La situation de l’assemblée sera souvent difficile et toujours délicate. Il y a en Russie un parti réactionnaire très puissant, mais non pas tout-puissant, qui rêve déjà d’une seconde dissolution, y poussera de toutes ses forces, et exploitera dans ce dessein toutes les fautes commises. Nous ne dirons pas à la Douma que son sort est entre ses mains, car il est aussi dans d’autres ; mais il dépend d’elle de donner le moins de prétextes possible à ceux qui en cherchent pour dénoncer son incapacité au gouvernement et son impuissance à l’opinion. C’est une garantie pour elle d’avoir affaire à un gouvernement qui, avant même qu’elle naquit, a donné des preuves de sa sincérité. Les circonstances lui sont incontestablement plus favorables qu’elles ne l’ont