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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/542

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la révolution et les trésors mêmes de Cléopâtre semblaient avoir disparu, tant était rare encore l’argent qui passait entre les mains des particuliers, tant les heureux pillards tenaient encore étroitement caché ce qu’ils avaient pris et dont ils craignaient d’être dépouillés à leur tour. Mais si la réforme des finances était nécessaire, elle était aussi très difficile. Par quels moyens faire sortir de leur cachette l’or et l’argent encore effrayés des innombrables voleurs prêts à s’élancer sur eux de toutes parts ? Le projet de conquérir la Perse une fois abandonné, on n’avait plus, pour fournir à l’Italie du numéraire, le moyen le plus usité autrefois : la guerre. Rome s’était emparée à Alexandrie du dernier de ces grands trésors d’or et d’argent, accumulés pendant les siècles précédens par les États méditerranéens ; et elle l’avait encore jeté dans le gouffre sans fond de l’Italie. Ce gouffre en avait déjà englouti beaucoup d’autres, aussi bien ceux qui avaient été déposés dans les châteaux de Mithridate, que ceux qui étaient gardés dans les temples druidiques de la Gaule. On ne pouvait plus guère trouver de trésors placés moins loin et moins défendus que ceux de la cour de la Perse, à moins d’aller dans l’intérieur de l’Arabie faire la guerre à certaines populations qui, — on le disait du moins, — vendant aux étrangers des arômes et des pierres précieuses, sans rien acheter, — amoncelaient les monnaies d’or et d’argent[1].

Mais Auguste ne voulait pas courir à la légère le risque d’un échec : il avait besoin d’un certain temps pour préparer à son aise une expédition en Arabie. En attendant, il fallait de l’argent, et, pour s’en procurer, il n’y avait que trois moyens. On pouvait, tout d’abord, avoir recours au moyen qui semble être le plus naturel, mais qui réclamait alors plus de peine et de dépense qu’il n’en fallait pour voler les métaux précieux à ceux qui déjà les possédaient : c’était de reprendre l’exploitation des mines abandonnées. On pouvait encore veiller mieux au recouvrement des impôts déjà établis. On pouvait enfin en créer de nouveaux. Mais s’il n’y avait pas d’autres moyens de se procurer de l’argent, Auguste ne pouvait user de ceux-là que dans une mesure très limitée. Assurément, comme proconsul, Auguste pouvait reprendre l’exploitation des mines et pressurer plus vigoureusement les sujets de ses trois provinces ; il pouvait aussi, à titre

  1. Strab., 16, 4, 19 ; 16, 4, 22.