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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/554

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roi des Ethiopiens, Triakontaschœni, dont les ambassadeurs étaient venus le trouver à Philæ[1]. Auguste n’approuvait ni ces répressions violentes, ni ces entreprises téméraires ; il craignait, comme toujours, qu’elles n’entraînassent l’Égypte dans de grandes dépenses et dans des guerres pour lesquelles ne suffiraient pas les trois légions assignées comme garnison à l’ancien royaume des Ptolémées ; mais il ne pouvait pas, par sa seule autorité personnelle, arrêter l’ambition inquiète de Gallus, qui, déjà célèbre par ses faits d’armes, par ses travaux littéraires, par les services qu’il avait rendus au parti qui avait triomphé et à Auguste, se considérait presque comme l’égal du princeps. Il n’osait pas non plus avoir recours contre un si grand personnage à son autorité si incertaine, si équivoque, si peu romaine, de roi d’Égypte sans titre réel, d’autant plus que probablement la politique autoritaire de Gallus ne déplaisait pas à l’Italie, toujours si désireuse d’humilier et de maltraiter l’ancien royaume de Cléopâtre. En sorte que Gallus, sur qui ne pesait ni l’autorité du Sénat, ni celle d’Auguste, faisait et défaisait tout en Égypte selon sa fantaisie. Il semble même qu’il ait blâmé âprement et publiquement les hésitations d’Auguste, et qu’il ait poussé l’audace jusqu’à répandre en Égypte des inscriptions où il célébrait ses entreprises, comme s’il en était seul l’auteur, et sans aucune allusion à celui qui devait aux yeux des Egyptiens être leur souverain, obligeant ainsi les Egyptiens à se demander si Auguste était vraiment le maître de l’Égypte, ou si Gallus était au contraire un général révolté. Cette étrange attitude de Gallus avait réveillé tant de défiances que les prêtres rusés de Philæ, chargés

  1. Voyez l’inscription découverte en Égypte et imprimée dans les Sitzunrgberichte König. Preuss. Akademie, 1896, I, p. 476. L’inscription est importante parce qu’elle nous révèle l’origine probable des dissentimens entre Auguste et Cornélius Gallus, qui est très obscure. Il est à remarquer que, dans l’inscription, Cornélius Gallus raconte les expéditions comme faites par lui, sans même dire qu’elles furent dirigées sous les auspices d’Auguste ; cela nous montre que le préfet d’Égypte, profitant du caractère incertain de sa charge et de la faiblesse d’Auguste, avait pris une attitude presque indépendante, puisqu’il faisait la guerre de sa propre initiative. Qu’Auguste subît plutôt qu’il n’approuvât les conquêtes de Gallus, cela nous est prouvé par la facilité avec laquelle, quelques années plus tard, à la première difficulté, il les abandonna. Cette demi-indépendance de Gallus, son désaccord avec Auguste, peuvent expliquer les allusions obscures des écrivains de l’antiquité, et nous faire entrevoir en quoi consistaient les « sottises » (grec) que selon Dion (53, 23) Cornélius se permettait de dire au sujet d’Auguste, et comment il put être accusé, comme le dit Suétone (Aug., 66), de ingratum et malevolum animum.