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avec elle, dans une sorte d’étreinte qui rappelait les heures les plus pieuses d’un très lointain passé.

Brusquement, en 1859, un nuage surgit : il venait des Tuileries, creva sur les plaines lombardes ; en quelques semaines, l’Autriche perdit pied en Italie. De longs siècles durant, par une conséquence indirecte, mais inévitable, de l’institution même du Saint-Empire, la Germanie avait fait de l’Italie un pied-à-terre : au lendemain du jour où le Concordat de 1855 avait pu apparaître à certains esprits comme la loi fondamentale d’un Saint-Empire nouveau, la Germanie, dans la personne de l’Autriche, commençait d’être expulsée du pied-à-terre séculaire. Qu’allait faire la Germanie ? Le catholique Mallinckrodt, dans un discours incisif à la Chambre prussienne, célébra l’Autriche, qui tirait l’épée « pour la paix intérieure, pour les traités, pour le droit historique, pour le droit de l’autorité, » et, quelque temps, il garda l’espoir que la Prusse ne la délaisserait pas. Reichensperger écrivit, dans notre Correspondant, qu’à son avis, l’Allemagne, sous la direction du prince Guillaume, devait se porter au secours de l’Autriche bousculée par la France et par le Piémont. Ketteler, aussi, qui faisait prier pour la victoire de l’Autriche, attendait de la Prusse un geste fraternel ; et tous deux furent inconsolables, avec beaucoup de catholiques, en la voyant garder l’épée dans le fourreau. Le professeur Lasaulx fulminait contre cette attitude de la Prusse : il la trouvait « bourbeuse, » et déclarait tout net qu’un Allemand qui voulait affaiblir l’Autriche était « un bâtard et un sot. » Mais la Prusse laissait l’idée de la Grande Allemagne, — idée catholique, — se débattre et se défendre, tant bien que mal, contre les armées de la France, puissance catholique, sur les champs de bataille d’Italie. Cette idée fut vaincue. Les champions de la Grande Allemagne ne le pardonneront point à la France.

S’il est quelques « victimes du Deux-Décembre » qui, dans leur âge avancé, aiment encore à relire des invectives contre l’Empire, on peut les renvoyer aux écrits et aux lettres des catholiques allemands de l’époque. L’accent est le même que dans les Châtimens. « Monsieur Louis, » comme disait Mallinckrodt en parlant de Napoléon III, apparaît au cardinal Geissel, archevêque de Cologne, comme le « fils de Satan. » Kolping, le fondateur des innombrables associations de « compagnons catholiques, » commet un calembour sur ce mot « l’empereur » et