Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/637

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas suffi, à beaucoup près, pour assouvir ma curiosité à Paris. Cependant, je ne puis prolonger mon séjour.

« Ne disais-je pas en commençant que j’écrivais un billet ; plaisant billet ! mais, c’est que je croyais la chose possible en commençant. Mettez-moi toujours aux pieds de Mme la comtesse de Blacas. Pour moi, je suis toujours pendu à votre cou. Je me rapproche avec un grand plaisir de votre chère Excellence, espérant toujours que, d’une manière ou d’une autre, il me sera donné de l’embrasser sans figure. Je suis pour la vie, monsieur le comte, avec les sentimens inaltérables que vous connaissez, votre très humble serviteur et dévoué ami. »


Il est regrettable qu’en écrivant à Blacas, Joseph de Maistre ne donne d’autres détails sur son séjour à Paris que celui de ses courtes relations avec la duchesse de Damas. C’est seulement par une lettre à Donald, qu’il avait eu la déception de n’y pas rencontrer, que nous savons qu’il y reçut un accueil digne de lui. « La Cour, lui mandait-il, la ville, les Tuileries, les Variétés, le Musée, les Montagnes[1], les ministres, les marchands, les choses et les hommes se sont si fort disputé ma pauvre personne qu’il me semble aujourd’hui n’avoir rien fait et n’avoir rien vu et que je ne suis pas même bien sûr d’avoir été à Paris[2]. » Il négligeait d’ailleurs d’avouer à Donald qu’il n’avait été qu’à demi satisfait de sa visite à Louis XVIII. Telle était cependant la vérité. Comme on le verra bientôt, il en fit postérieurement l’aveu à Blacas, mais avec tant de discrétion et de réserve que nous restons dans l’impossibilité de préciser en quoi l’accueil du Roi n’avait pas répondu à son attente.

Une autre lettre à Donald nous apprend encore qu’en venant à Paris, Joseph de Maistre avait apporté dans sa valise le manuscrit encore inachevé de son ouvrage : Du Pape, qu’il aurait voulu lui soumettre avant de le publier. Il avait ensuite traité pour la publication avec le libraire Le Normand. Mais, l’ouvrage ayant été communiqué en manuscrit à diverses personnes et notamment à la duchesse de Duras, les réflexions qu’il contenait sur l’Église gallicane, « bien qu’il l’élevât aux nues, » et les vérités qu’il disait « à cette vénérable Église » menaçaient d’éveiller

  1. Les Montagnes russes constituaient à cette époque un jeu et un spectacle fort à la mode.
  2. Correspondance imprimée. t. VI, p. 112.