Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Constantinople, reine de l’Orient byzantin, suprême orgueil des Ottomans. Mais la ligne Angora-Césarée, jugée trop onéreuse, fut abandonnée presque aussitôt, et avec elle l’éventualité d’un prolongement sur Bagdad. Tout était donc remis en question, et le but pouvait paraître plus éloigné que jamais.

A Constantinople, les intrigues reprirent de plus belle, chaque ambassade soutenant par de savantes manœuvres les projets de ses nationaux. Pendant plusieurs années, la partie resta indécise entre les diplomaties. Cependant, l’influence allemande grandissait sans cesse à, Yildiz-Kiosk : elle finit par l’emporter. En 1899, le docteur Siemens, président du Conseil d’administration des Chemins de fer d’Anatolie, reçut en principe la concession d’une voie ferrée de Konia jusqu’au golfe Persique. Des influences extérieures déterminèrent ce choix. La Russie redoutait surtout le tracé du Nord. Ayant depuis longtemps jeté son dévolu sur Erzéroum, elle ne pouvait voir que d’un mauvais œil le projet d’une ligne allemande permettant la concentration rapide des forces ottomanes en Arménie. Pour écarter ce péril, l’ambassadeur du Tsar, M. Zinovief, usa d’intimidation. Au mois d’avril 1900, il réclama à la Porte le paiement immédiat des annuités en retard de l’indemnité de guerre établie par le traité de Berlin, soit environ 57 millions de francs. Et il ne consentit à retirer sa demande qu’au reçu d’un iradé impérial reconnaissant aux Russes un droit de préférence « pour la construction et l’exploitation de toutes voies de communication dans le bassin de la Mer-Noire, aux mêmes conditions que celles du chemin de fer de Bagdad et sous réserve des concessions déjà accordées dans cette région. »

La route du Nord se trouvant ainsi barrée, et le passage au Centre paraissant impraticable, les ingénieurs allemands devaient adopter le tracé du Sud. C’est celui qui figure dans la convention « relative à l’extension des lignes d’Anatolie jusqu’au golfe Persique » intervenue entre Zéhni-Pacha, ministre du Commerce et des Travaux publics, au nom (du gouvernement ottoman, M. Arthur Gwinner, au nom de la Deutsche Bank, et MM. Zander et Huguenin, au nom de la Société d’Anatolie. Du coup, l’Allemagne avait partie gagnée. Signé définitivement le 5 mars 1903, ce document capital reste encore aujourd’hui la charte de l’entreprise. L’ensemble de ses clauses fournit une mesure des chances de succès de l’affaire de Bagdad.