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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/696

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bientôt une verve réaliste. On ne saurait sans exagération rapprocher leurs cérémonies mortuaires des saturnales antiques, mais ce sont des fêtes turbulentes et tapageuses où les lamentations clamées sur des vers souvent mélancoliques et grandioses sont entrecoupées par des salves de poudre, des cris, dans l’ivresse et les ripailles. La mort, qui tient une si large place dans les poésies, est essentiellement l’occasion d’une grande orgie publique où la famille du défunt doit étaler à la foule sa richesse qui se manifeste pour les plus opulens par des sacrifices magnifiques de bœufs et l’élévation de tombeaux massifs. Les funérailles sont avant tout scéniques chez ces peuples qui n’ont point par ailleurs de théâtre, plus près de la tragédie ou de la farce suivant les tribus et les gens : on peut si bien y voir une manière d’art théâtral qu’il y a non seulement des récitatifs, mais des dialogues et même une mise en scène. Ainsi, tandis qu’un chœur déclame dans la maison de ceux qui restent, sur leur infortune d’avoir perdu leur soutien et leur bouclier, — « mieux eût valu ne jamais être né, » — un homme fait le tour de la case et reprend un autre cantique de deuil ; ceux de la maison se taisent alors, et l’homme du dehors chante avec rapidité :


Oh ! il est parti, oh ! il est parti,
Lui le noble cœur, ô le noble cœur
Adieu oh ! Adieu à sa maison,
Adieu oh ! à ses amis,
Adieu oh ! à sa femme,
Adieu oh ! à ses enfans.


Ceux du dedans répondent : « Haie ! » et l’homme lance alors de l’extérieur quelques questions auxquels ils répliquent :


Quel est ce bruit de pieds sur le sol ? — C’est le troupeau.
Quel est ce tintement qui résonne ? — C’est l’argent.
Qui fait tant de bruit ? — C’est le peuple.


Après des allusions, variant avec l’inspiration, aux propriétés et à la popularité du défunt, le chanteur du dehors conclut :


Oh ! misérables et tristes sont-ils pour la plupart
Oh ! la plantation est remplie de mauvaises herbes.
Oh ! les veaux sont dispersés.
Oh ! les champs sont silencieux.
Oh ! les enfans pleurent. (Traduit par un évangéliste hova.)


La cérémonie mortuaire est représentative, artistique. Les