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le double terrassement au milieu duquel se dresse le tronc commémoratif, on découvre qu’il est analogue aux terrasses mortuaires des Marinas, et nous arrivons à constater que cet obélisque de bois n’est autre que la poutre centrale de la maison ; comme elle, il est orné de dessins géométriques, et le plateau tient lieu de toit, car il est souvent surmonté de ce même oiseau aux ailes ouvertes qu’on a vu aux piquets des cases malgaches. Le poteau betsiléo est donc la survivance, ou une stylisation particulière en obélisque, de la demeure mortuaire. À cette origine il doit sa poésie : c’est la maison de la vie réduite par la mort à la poutre principale qui la soutient, squelette expressif de la maison portant le squelette des troupeaux au-dessus de grands paysages nus très doucement mamelonnés.

Toutes les peuplades qui, comme les Merinas, abritent leurs morts dans des cases, se contentent de les envelopper d’in- nombrables lambas : ils les enfoncent, vrais cocons bariolés, dans les cellules de ces tombeaux maçonnés en termitières. Le cercueil est ignoré. Nous le voyons au contraire apparaître chez les Betsimisarakas qui exposent leurs morts en plein air, sur le sable et sous les filaos du littoral, couchés dans des troncs fouillés que recouvre une voûte dièdre en toit. C’est alors qu’on comprend que le cercueil est bien la réduction économique de la demeure mortuaire. A l’origine, — on le vit en Emyrne, — chez les peuples riches, le tombeau est la résidence même du chef qu’on lui laisse après sa mort : les tombeaux, ainsi, perpétuent le type des maisons antiques, si bien qu’ils permettraient de recomposer l’histoire de l’évolution de la case dans une race. Mais les populations pauvres et indolentes se contentent du cercueil : chez les Betsimisarakas comme chez les Tsimihetys, il présente exactement la forme de la maison, et, s’il se rapproche fréquemment de la pirogue, c’est qu’elle fut souvent le seul habitat des émigrés après qu’ils eurent débarqué sur le sable incertain et que leurs premières cabanes furent construites sur le modèle de pirogues couvertes. Aux ornementations de la maison suppléent alors des dessins fouillés dans le bois du cercueil : bœuf commémorant la richesse du chef ou festons de bardeaux. Avec les déformations qui surviennent au cours du temps, à mesure que se perd le sens de son origine, le cercueil affecte la structure d’un crocodile à dos d’écailles près des lagunes, d’un requin long et rond dans les îles comme Nosi-Bé, tous deux