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Longtemps les deux amis reclus en quelque pré,
Dans les sentiers déserts d’un vallon retiré,
A la marge des bois qu’un vent triste balance,
Attendent que le soir tombe sur leur silence.
Puis, quand l’ombre envahit le tragique horizon ;
Lorsque au rouge Occident brûle un dernier tison.
Tel un foyer consume une flamme mourante,
Tous deux enfin, qu’un sort misérable apparente,
Dans la lueur suprême austèrement surgis,
Retournent d’un air grave à l’antique logis.
Or, à les voir errer, taciturnes, ensemble.
Sans qu’un désir parfois hâte leur marche, il semble
Que seul un charme obscur les puisse ainsi lier,
Et que leur vie au rythme étrange et régulier
Rapproche, indéchiffrable à l’œil visionnaire,
L’instinctive tendresse et l’âme embryonnaire.
Mais, de cette union si touchante, souvent
Mon esprit sonde en vain le mystère émouvant.
Dans l’énigme angoissante et confuse qu’il scrute,
Il ne sépare plus le pâtre de la brute
Et, sans trêve obsédé par un doute étouffant.
Il ne distingue plus la brute de l’enfant.

DERNIÈRE MOISSON


Les cieux par les premiers brouillards sont envahis,
Qu’aspire le soleil ou que le vent disperse ;
Mais, avant de sortir la charrue et la herse,
Le laboureur moissonne et rentre le maïs.

L’utile plante aux grains serrés, aux feuilles souples.
Est emportée ainsi qu’on recueille un trésor,
Et l’on voit s’éloigner, sous leur faix d’épis d’or.
Les chars que lentement traînent de graves couples.

Puis, de tous ces épis déjà jaunes et mûrs,
Qu’arrache un geste rude à la glèbe natale,
Longtemps la floraison radieuse s’étale
Et suspend ses dessins pittoresques aux murs.