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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/798

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et la faculté de combinaison plus extraordinaire encore, l’inépuisable et grandiose imagination constructive qui fait de lui un frère posthume de Dante et de Michel-Ange. Pardonnez-moi, si vous pouvez, la seconde partie en faveur de la première. Il est dur parfois d’écrire l’histoire en historien critique et sincère ; j’ai blessé à fond les royalistes en trouvant le chiffre de l’impôt direct sous l’ancien Régime, les 81 pour 100 du revenu net extorqués au paysan par les taxes royales, seigneuriales, ecclésiastiques. J’ai blessé plus à fond les républicains et toutes ces puissances actuellement régnantes, en montrant ce qu’a été véritablement la Révolution, c’est-à-dire d’abord une Jacquerie rurale, puis une dictature de la canaille urbaine. Je vais blesser les partisans de l’Empire, et les admirateurs de la France administrative, centralisée, manœuvrée tout entière de haut en bas, telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Tant pis pour moi, j’y étais résigné d’avance.

Mais je ne me résignerais pas à perdre une amitié comme la vôtre ; je l’ai éprouvée depuis vingt ans si constante et si loyale que je suis sûr de ma gratitude personnelle ; tout ce que je vous demande, c’est d’y croire, quoi qu’il advienne, et d’agréer une fois, et pour toujours, mon attachement et mon respect.


H. TAINE.