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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/800

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que M. Paul Mesnard fit paraître, en l’accompagnant d’une introduction et de notes très judicieuses, un manuscrit trouvé par lui à la Bibliothèque nationale et qui portait ce titre : Projets de gouvernement résolus par M . le Duc de Bourgogne, dauphin, après y avoir mûrement pensé. Le manuscrit est sans nom d’auteur. Mais il n’y a aucun doute qu’il ne soit de Saint-Simon dont la main se reconnaît non seulement au style, qui est inimitable, mais à la ressemblance presque textuelle de certains passages avec ceux des Mémoires et la similitude complète des idées. La question n’est donc pas de savoir si l’écrit est de Saint-Simon, mais si ces projets de gouvernement sont bien, comme le titre l’affirme, ceux du Duc de Bourgogne lui-même. C’est ici que les doutes les plus sérieux s’élèvent.

Il importe d’abord de déterminer avec exactitude la date précise à laquelle Saint-Simon coucha par écrit ces projets. M. Paul Mesnard a fortement établi que ce dut être entre mars 1714 et août 1715, c’est-à-dire avant la mort du Roi. Dans cet écrit, Saint-Simon parle souvent en effet de Louis XIV comme étant encore vivant. D’un autre côté, il parle du comte de Toulouse comme exerçant la charge de grand veneur. Or, le comte de Toulouse ne fut promu à cette charge qu’en mars 1714. Par une singulière inadvertance, Saint-Simon dit que le Duc de Bourgogne (mort depuis deux ans) avait l’intention de le maintenir dans cette charge. Cette inadvertance nous permet de saisir sur le vif le procédé de Saint-Simon. En réalité, ce mémoire n’a point été écrit par lui, comme par momens il le donne à croire, sous la dictée du Duc de Bourgogne dont il n’eût été en quelque sorte que le secrétaire. C’est, au contraire, une œuvre de souvenir composée deux ans après la mort de celui dont il prétendait traduire la pensée. Mais ces souvenirs sont-ils exacts ? Est-ce bien la pensée du Duc de Bourgogne, sont-ce bien ses projets en présence desquels on se trouve ? Ne seraient-ce pas au contraire les projets de l’auteur lui-même qu’il aurait voulu couvrir de l’autorité d’un nom d’autant plus respecté qu’une mort prématurée avait ajouté à la popularité de ce nom ? On est presque en droit de l’affirmer. Il est en effet matériellement impossible que toutes les questions soulevées par Saint-Simon, dans ce volumineux écrit, aient été tranchées par le Duc de Bourgogne dans ses conversations avec Saint-Simon. Non seulement en effet dans les Projets du gouvernement, on trouve résolues nombre de questions concernant