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et Fénelon, entendaient leur attribuer, les États généraux n’étant, aux yeux de Saint-Simon, « qu’un grand nom qui séduit quelques personnes, un leurre auquel on peut prendre la nation et une multitude ignorante, mais ne devant être qu’un corps de plaignans, de remontrans, et, quand il plaît au Roi de le lui permettre, de proposans ; » tandis que Fénelon les assemble tous les trois ans et leur reconnaît le droit de délibérer « sur les fonds à lever par rapport aux charges extraordinaires » et aussi, celui d’étendre « par voie de représentations » leurs délibérations « sur toutes les matières de justice, de police, de finance, de guerre, d’alliances et négociations, de paix, d’agriculture, de commerce[1]. »

Le Duc de Bourgogne aurait-il été aussi loin ? Nous en doutons. Proyart nous apprend en effet qu’à ses yeux ce n’était point dans une assemblée de sages qu’il fallait chercher la sagesse, et qu’il valait mieux consulter les particuliers que l’assemblée. « Je ne connois rien, disait-il, de plus ignorant qu’une assemblée de savans ni de moins clairvoyant qu’une assemblée de sages, » et il s’appuie sur la division des opinions qui se produit souvent dans les assemblées pour dire que « celui qui n’étoit que dans l’obscurité avant de consulter, se trouve dans les plus épaisses ténèbres, après l’avoir fait[2]. » Professant sur les assemblées cette opinion un peu dédaigneuse, il n’est pas probable qu’il eût pris son parti, comme le lui aurait proposé Fénelon, d’associer les États généraux à son administration, quoique Saint-Simon dise encore qu’il se serait servi de leur réunion, au moins comme moyen d’information et qu’il se serait plu « dans le sein de sa nation rassemblée. » Il est en tout cas un point sur lequel le Duc de Bourgogne se serait trouvé d’accord avec Fénelon, comme avec Saint-Simon : c’est le rétablissement des États provinciaux. Il était frappé, comme chacun, de la paix et de la prospérité relatives qui régnaient dans les pays d’État et il se proposait non seulement de maintenir ces institutions anciennes, là où elles existaient encore, mais de les rétablir là où elles avaient été abolies, et de supprimer les intendans, ces ancêtres de nos préfets, par qui les États provinciaux avaient été remplacés dans les pays dits de Généralité, en les remplaçant eux-mêmes par des missi dominici,

  1. Œuvres complètes de Fénelon. Édition de Saint-Sulpice, t. VII, p. 323.
  2. Proyart, t. II, p. 67.