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les charges des contribuables roturiers de la paroisse. Le Duc de Bourgogne se proposait de réprimer ce double abus. Il entendait qu’il fût fait, dans chaque généralité, un tableau précis des terres nobles qui ne seraient considérées comme telles que sur titres authentiques, que ces terres, si elles passaient entre des mains roturières, ce qui arrivait fréquemment, devinssent sujettes à toutes les impositions, mais, en revanche, que les terres roturières acquises par des nobles continuassent à payer la taille comme par le passé. « Le peuple, disait-il avec raison, y trouvera un soulagement réel, et la noblesse cet avantage que le Roi sera plus en état de lui faire sentir ses bienfaits pour les services qu’elle rend à l’Etat, » avantage, soit dit en passant, un peu vague et compensation que la noblesse aurait peut-être trouvée médiocre.

Une autre cause d’inégalité dans la perception de la taille était la « prodigieuse multitude des charges, tant dans la Maison du Roi que dans les villes du Royaume, qui, disait encore le Duc de Bourgogne, sont un autre abyme qui absorbe le plus clair des revenus de l’État. » En effet, les terres appartenant aux propriétaires de ces charges jouissaient de l’exemption comme si elles eussent été des terres nobles, et le Duc de Bourgogne s’indignait de ce que de riches propriétaires acceptassent les charges les plus viles pour assurer l’exemption à leurs terres. « Le fardeau dont le riche se décharge ainsi, disait-il, retombe sur le pauvre[1]. » En attendant qu’il fût possible de couper le mal dans sa racine par le remboursement et la suppression de ces charges, le Duc de Bourgogne proposait de limiter et de fixer, suivant l’importance de la charge, la quantité de terres que chaque officier pourrait soustraire aux impositions publiques, et il ne s’inquiétait pas des réclamations auxquelles cette limitation pourrait donner lieu, car on aurait été en droit de répondre aux réclamans « qu’on ne s’attendoit pas à ce que les propriétaires les plus opulens se rendissent acquéreurs des plus vils emplois, non pas pour les exercer, mais uniquement pour soustraire leurs immenses possessions aux charges publiques. »

Le Duc de Bourgogne se rendait donc, on le voit, un compte très exact des injustices et des souffrances dont le principe, alors

  1. Proyart, t. II, p. 14 et passim.