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fers, — cette Angleterre qui emploie ses armées, créées pour défendre l’honneur national, à rendre esclave un peuple libre... »

Dans cette même lettre, Hester célébrait aussi Napoléon, « le seul homme capable de commander aux Arabes comme au monde, » dit-elle plus tard au comte de Marcellus. Et, son antipathie pour l’Angleterre ne faisant que croître et embellir, elle ne consulte jamais les agens consulaires britanniques, éloigne ses compatriotes par ses brusqueries, ou refuse de les recevoir. Il est vrai qu’ils se présentaient à elle en grand nombre, comme si elle avait été un monument historique, et que, sans parler de ses rancunes, elle n’avait pas toujours de quoi héberger les curieux, professionnels ou occasionnels de l’indiscrétion, qui plus tard ne se gênaient guère pour la bafouer dans leurs récits.

Henri Heine s’appelait : « un Prussien libéré. » Hester se crut à son tour libérée de sa patrie, lorsque, après de nouveaux griefs, réels ou imaginaires, contre le gouvernement anglais, vieillie, criblée de dettes, ruinée dans sa santé et sa fortune, mais toujours orgueilleuse, poussant l’hypertrophie du moi à ses dernières limites, aussi incapable de contenir son indignation que de respecter les bienséances européennes et l’étiquette, elle adressa cette lettre à la jeune reine Victoria :

« Djoun, 12 février 1838. — Votre Majesté me permettra de dire qu’il n’est pas de parti plus fâcheux et plus contraire au prestige de la royauté, que de donner des ordres sans en avoir examiné les conséquences, que de jeter sans raison l’opprobre sur un membre d’une famille qui n’a jamais cessé de servir avec fidélité son pays et la dynastie de Hanovre. Aucune explication ne m’ayant jamais été demandée sur la manière dont je me suis endettée, je crois inutile d’entrer à cette heure dans aucun détail à ce sujet. Je ne saurais tolérer que la pension qui m’a été accordée par votre royal grand-père soit arrêtée par la force : je déclare donc l’abandonner pour le paiement de mes dettes, en même temps que je renonce à la qualité de sujette anglaise, et m’affranchis de l’esclavage que cette qualité entraîne aujourd’hui. Et comme Votre Majesté, par ses ordres à ses agens consulaires, a rendu la chose publique, je ne saurais être blâmée de suivre son royal exemple. — Hester Lucy Stanhope. »

Et pour que nul n’ignorât que « la Reine n’avait pas jeté le gant à une radoteuse ni à une bavarde, » la fière patricienne avertissait quelques hommes d’Etat, lord Palmerston, M. Abercrombie,