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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/897

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Car, en quelque climat que l’homme marche ou vive,
Au but de ses désirs, pensé, voulu, rêvé,
Depuis qu’on est parti, qui donc est arrivé ?


On aurait pu ajouter qu’elle réalisa parfois son rêve, et fit quelques kilomètres vers son but : peut-être s’en fût-elle davantage approchée si elle eût vécu un peu avec les autres au lieu de vivre avec soi-même, avec son orgueil, avec des chimères qui s’exaltaient sans cesse et enfantaient d’autres chimères. Elle n’a pas senti la profondeur du mot de l’Écriture : Malheur à celui qui est seul ! Autant il importe de ne pas piétiner dans le chemin banal, de ne point perdre le goût de la lutte, de l’ascension, autant il importe de ne pas se retrancher de la communion humaine, mais de souder son originalité propre à l’originalité accumulée qui est le produit des siècles, le trésor moral entassé par des milliers de génies et de héros. Evitons ce double écueil : l’imitation stérile qui nous réduit au rang de zéros avant un chiffre, et la prétention de faire table rase du passé, de frayer des routes nouvelles, prétention qui souvent aboutit à répéter des choses anciennes ou à créer des contrefaçons du chaos. Les demi-génies, les talens incomplets comme lady Stanhope, ont du moins cet avantage qu’ils indiquent aux ambitieux de genre les récifs où l’on peut sombrer, et qu’ils contribuent à exciter en nous l’émulation de l’effort, l’ardeur du combat pour une plus grande humanité.


VICTOR DU BLED.