Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques jours après, il revient pour achever le pillage ; mais, cette fois-là, les hommes sont de retour et veillent. Antigone est battu.

Le souvenir de cette razzia doit avoir été bien tentant, car Démétrius, son fils, essaie à son tour de s’en emparer. Cette nouvelle attaque contre Pétra échoue. Cependant, les Nabatéens, très fins diplomates, offrent des présens au général malheureux pour pouvoir conserver en tout repos leur liberté.


Avant d’aller plus loin dans ce rapide exposé de l’histoire de Pétra, voyons ce qu’étaient les Nabatéens. Il nous sera plus facile ainsi de comprendre leur politique toujours ondulante, leur art et aussi le choix de l’emplacement de Pétra, choix particulièrement étrange, car le sol environnant, à une grande distance, n’offre rien de ce qui peut motiver ou faciliter l’établissement d’une ville importante.

Diodore raconte que les Nabatéens étaient des nomades. Ils importaient le fer, l’airain, la pourpre ; ils possédaient l’or, l’argent, les parfums. En d’autres termes, ce peuple était un peuple de commerçans, de caravaniers, convoyant les marchandises de l’Orient sur l’Egypte et la Méditerranée.

Aux passages de plusieurs cols de la péninsule sinaïtique, on retrouve des inscriptions nabatéennes gravées sur le rocher. Au cours de leurs nombreux voyages, soit pendant les séjours aux campemens, soit pendant les arrêts aux heures chaudes des jours, ils demandaient à la divinité de favoriser leurs entreprises suivant une formule à peu près toujours la même : « Salut, souviens-toi d’un tel, fils d’un tel »... ou « frère d’un tel. » « Paix, un tel, père d’un tel. »

Pendant longtemps, ces inscriptions passèrent pour être l’œuvre des Hébreux de l’exode. On cite le cas d’un évêque irlandais, au XVIIIe siècle, qui offrit une somme assez ronde pour s’en procurer des copies. Son erreur était, du reste, bien excusable, les caractères nabatéens ayant une grande analogie avec les caractères hébraïques. Un fait assez curieux à noter en passant, c’est que chaque tribu bédouine, à l’heure actuelle, a encore sa marque, son signe, le signe de la tribu, et, chez quelques-unes, on retrouve clairement une lettre nabatéenne plus ou moins déformée par la longue succession des siècles[1].

  1. Les Arabes marquent du signe de la tribu leurs animaux et leurs troupeaux, exceptant cependant les chevaux et les chameaux qu’ils montent pour aller razzier. De sorte que si l’un d’eux tombe pendant le combat, il est plus difficile de retrouver les traces du propriétaire.