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La vie au camp serait presque une vie de silence, si ce n’étaient les cris, les querelles et les hurlemens qui sont la conséquence fatale de tout marché en pays arabe. Les rares habitans de Pétra profitent de la bonne aubaine de notre arrivée pour nous apporter des provisions, du lait caillé dans des outres de cuir, des œufs, des agneaux plus ou moins maigres, une vache noire minuscule, à peine grosse comme un veau. N’ayant rien à manger, il est compréhensible que la race ne soit pas forte. Chacun veut vendre le plus cher possible et vendre à l’exclusion du voisin. Les disputes commencent aussitôt. Femmes et hommes se menacent, s’injurient, se traitent de voleurs, se vouent mutuellement aux enfers.

Le Cheik, un tout jeune homme, mince, élégant, bien tourné, dans son long vêtement de soie jaune à ramages, et son burnous de drap bleu, essaie bien d’y mettre bon ordre, mais il le fait timidement ; son père a été assassiné il y a quelques années. L’exemple paternel ne le tente guère : aussi met-il mille formes dans ses rapports avec ses irritables administrés. La vie ne compte pas dans ces pays.

D’une façon générale, pour tailler une tombe, la roche était égalisée, râpée sur toute la surface que le monument devait occuper. Quelques-unes ont dix, quinze, vingt mètres de hauteur ; puis, des colonnes, des chapiteaux, des corniches, des frontons étaient sculptés.

On ouvrait une porte, quelquefois une ou plusieurs fenêtres, et on excavait la montagne pour y créer la chambre funéraire. Certaines de ces chambres ont de grandes dimensions. Une d’entre elles, par exemple, qui servit de basilique dans les premiers temps du christianisme, mesure de 12 à 14 mètres de hauteur et 18 mètres de longueur. Il n’y avait pas de sculpture à l’intérieur, murs et plafonds étaient plats. Quelquefois un enduit, mais presque toujours les colorations des grès étaient suffisantes pour les orner. Je ne peux mieux comparer l’aspect de ces chambres qu’à des pièces taillées dans de l’agate infiniment chaude mais mate, de l’agate rouge roux, orange, doré, avec des veines blanches bleutées qui tournent dedans comme des fumées. Au fond, en face de la porte, il y avait un ou plusieurs autels, petits, assez grossiers de facture, où les parens des défunts offraient des sacrifices à la divinité, en mémoire des leurs. Les fosses rangées les unes à côté des autres étaient placées, creusées