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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/103

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Auguste se rendit en Espagne ; où de grandes révoltes avaient éclaté, d’après ce qu’il faisait annoncer en Italie. Il y arriva à temps pour inaugurer à Tarragone, le 1er janvier de l’an 26, son huitième consulat[1].

Mais tandis qu’il se rendait en Espagne, un événement étrange avait rendu vaines, à Rome, plusieurs des sages mesures qu’il avait prises avant de partir et profondément troublé le public. Auguste parti, Valerius Largus s’était mis à dénoncer le luxe, les rapines, l’orgueil, l’insolence du préfet d’Egypte[2] ; mais ces accusations, au lieu d’effleurer simplement l’opinion publique et de ne provoquer qu’un léger frémissement de désapprobation, avaient déchaîné une véritable tempête. L’aristocratie avait donné l’exemple, en se jetant la première avec fureur sur Cornélius Gallus ; les autres classes l’avaient suivie[3] ; en quelques jours, le vice-roi d’Egypte, l’homme puissant et respecté de tous, était devenu un criminel abominable ; partout, mais surtout dans les grandes familles, on avait réclamé, avec des cris farouches, un exemple salutaire. Par un mouvement des esprits mystérieux et brusque, Rome avait frémi tout à coup d’horreur pour les concussions du præfectus Ægypti. Elle s’était indignée que ses sujets eussent pu être traités comme Gallus avait traité les Egyptiens. C’était en vain que les amis de Gallus, et des gens sérieux et honnêtes, avaient essayé de remonter le courant[4] ; Largus, complimenté, adulé, applaudi partout, grisé par ce succès inattendu, avait empli Rome de ses accusations, et tout le monde avait déjà condamné Gallus sans même attendre qu’il revînt d’Egypte pour donner ses raisons, ni que l’on discutât les procès qu’on lui avait intentés. C’était en somme le premier de ces terribles scandales, à la fois politiques et judiciaires, qui vont faire tant de victimes dans les classes élevées sous l’empire ; et sa violence soudaine, son extravagante exagération ne pouvaient que préoccuper vivement les esprits sérieux. Sous

  1. Suét., Aug., 26.
  2. Le scandale de Cornélius Gallus dut éclater alors qu’Auguste était absent de Rome, puisque, comme le dit Dion (53, 23), ce scandale fit fureur en l’un 26 av. J.-C.
  3. Amm. Marc, 17, 4, 5 : metu nobilitatis acriter indignatæ.
  4. Dion, 53, 24, nous dit en effet qu’il y eut plusieurs citoyens qui firent voir leur indignation au sujet de cette persécution, injuste, ou tout au moins exagérée dont Gallus était l’objet.