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venu d’Égypte. Le nouveau luxe qui se répandait en Italie était alimenté surtout par l’Égypte ; beaucoup de riches Romains avaient des affaires en Égypte et étaient obligés d’y aller de temps en temps ou d’y envoyer des agens. Les contacts entre l’Italie et l’ancien royaume des Ptolémées devenaient donc de plus en plus fréquens ; le commerce se développait en faisant la richesse de Pouzzoles ; avec les marchandises, l’or et l’argent, on transportait en Italie aussi des usages, des mœurs et des idées égyptiennes.

La conquête de l’Égypte ne tarda pas à faire sentir son influence sur la vie romaine, contre-balançant bien vite ce goût pour le romanisme archaïque, ce fanatisme national, que la crise d’Actium avait surexcité. Un grand désir d’art, de luxe, de choses nouvelles, avait ainsi été contracté par bien des gens en Égypte, et, la contagion aidant, il gagnait peu à peu en Italie ceux qui n’avaient jamais mis le pied dans le royaume des Ptolémées, et qui avaient fait fortune ou qui n’avaient pas été ruinés pendant la révolution. Aussi, bien que tout le monde. continuât à se dire l’admirateur de l’antique simplicité romaine, des palais s’élevaient dans les différens quartiers de Rome et jusque sur l’Esquilin, l’ancien cimetière des pauvres, qui se garnissait de belles habitations, grandes et petites, depuis que Mécène y avait construit une somptueuse demeure[1]. Il était si doux, après tant de périls et d’émotions, de jouir de la paix et du repos dans une belle maison ! L’art alexandrin, qui était le plus raffiné, le plus riche, le plus vivant de tous, se présentait au bon moment, pour satisfaire ce désir confus de nouveauté et d’élégance, et aussi pour l’exciter et le répandre ; pour transporter de la métropole des Ptolémées à Rome, dans les demeures des nouveaux maîtres du monde, sur les murs, sur les voûtes, sur le mobilier domestique, toutes les belles décorations inventées pour le plaisir des anciens maîtres de l’Égypte. Les parois des salles étaient divisées en compartimens encadrés de festons, d’amours ailés, de masques, et les peintres alexandrins y peignaient, les uns des scènes tirées d’Homère, de Théocrite, de la mythologie ; d’autres, certaines de ces scènes dionysiaques

  1. Hor., Sat.,1, 8, 14 ; Carm., 3, 29, 10.