Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monarchie familiale de Rome que tout le monde disait vouloir reconstituer ? L’architecture de la maison traduit à toutes les époques la structure de la société, et le fond des âmes. Ces nids des Grâces ne pouvaient plus donner asile à l’amour antique, qui n’était que le devoir civique de la propagation de l’espèce à accomplir dans le mariage, mais seulement à l’amour nouveau, à l’amour des civilisations intellectuelles, raffiné par mille artifices et qui n’est plus qu’une jouissance égoïste des sens et de l’esprit ; dans ces belles demeures s’achevait l’évolution qui, en quatre siècles, avait transformé la famille, en avait fait d’une organisation autoritaire, rigide et fermée, la forme la plus libre d’union sexuelle qui se suit jamais vue dans la civilisation occidentale, assez semblable à cet amour libre que les socialistes considèrent aujourd’hui comme le mariage de l’avenir. Ce n’étaient plus les formalités et les rites, mais le consentement, une certaine condition de dignité morale et, pour employer les termes romains, « l’affection maritale » qui faisaient le mariage, de même que les dissentimens, l’indignité et une indifférence réciproque le défaisaient. Le seul signe visible de l’union, et cela plutôt par habitude que par nécessité juridique, était la dot. Si un homme emmenait vivre avec lui une femme libre, de famille honnête, ils étaient par cela même considérés comme mari et femme, et ils avaient des enfans légitimes. S’il ne leur plaisait plus d’être mari et femme, ils se séparaient, et le mariage était rompu. Tel était dans ses traits essentiels le mariage à l’époque d’Auguste. La femme était désormais dans la famille à peu près libre et l’égale de l’homme. De son ancienne condition d’éternelle pupille, il ne lui restait plus que l’obligation d’être assistée d’un tuteur, quand elle n’avait ni père, ni mari, et qu’elle voulait prendre un engagement, faire un testament, intenter des procès, ou vendre une res mancipi. Avec cette forme toute nouvelle du mariage, que devenait la famille, maintenant que disparaissaient, chez les femmes de la haute société, les anciennes vertus féminines, la modestie, l’obéissance, le goût du travail et la pudeur[1] ? maintenant

  1. Que l’on remarque combien paraissent exceptionnelles les louanges adressées à la femme dans ce qu’on est convenu d’appeler l’éloge de Turia. C. I. L., VI, 1527, V. 30-31 : domestica bona pudicitiæ, obsequii, comitatis, facilitatis, lanificii adsiduitatis, religionis sine superstitione, ornalus non conspicui, cultus modici ?