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puis la copie de ce manuscrit dont s’étaient servis les premiers éditeurs, Brunet et Parison. En les étudiant les uns et les autres, elle reconnut que le premier était de l’écriture d’un secrétaire à qui Mme d’Épinay l’avait certainement dicté, tandis que la plupart des corrections et des notes étaient de sa propre main, ou de celle de Diderot, facile à reconnaître, ou d’une troisième écriture qui n’a pu être identifiée ; qu’à chaque note correspondait un chiffre de renvoi, qui permettait de retrouver l’endroit où la note avait trouvé son application ; que la plupart de ces notes tendaient à présenter Rousseau [René] sous un aspect plus défavorable que la rédaction primitive ; que le second manuscrit était la copie exacte du premier, avec les remaniemens incorporés au texte ; qu’en le publiant, Brunet et Parison l’avaient encore modifié, surtout en y pratiquant des coupures. Le système de dénigrement se trouvant ainsi percé à jour, Mme Macdonald conclut ou établit : que le texte primitif des Mémoires avait été sûrement modifié par Mme d’Epinay elle-même, sur les conseils de Diderot, et aussi de Grimm, préoccupé de le mettre d’accord avec les jugemens de sa Correspondance littéraire ; que, la composition des Mémoires étant antérieure aux lectures des Confessions que fit Jean-Jacques devant un petit nombre de personnes, les altérations avaient été introduites, selon toute vraisemblance, après ces lectures, pour y répondre ; que, dans la pensée de l’auteur et de ses complices, les Mémoires ainsi remaniés devaient attendre au fond d’un tiroir l’heure d’une publication posthume qui sonnerait un jour ; que, rapprochés de la Correspondance littéraire, ils formeraient alors un formidable outil de calomnie, d’autant moins suspect que leur caractère d’ouvrage resté inédit et exhumé du passé, garantirait leur sincérité ; qu’un homme de confiance de Mme d’Epinay, nommé Lecourt de Villières, fut choisi par Grimm pour en garder le dépôt jusqu’au jour où, les fidèles de Rousseau étant tous morts, ils pourraient paraître sans trouver de contradicteurs, et produiraient ainsi tout leur effet ; que, grâce aux sentimens de leurs premiers éditeurs, dévoués à la gloire des Encyclopédistes, grâce aussi à la réprobation qu’encourait le nom de Rousseau sous le règne de Louis XVIII, ce plan réussit au-delà de toute espérance ; que, par suite, l’histoire entière de Rousseau se trouva falsifiée. — Telle est, sommairement résumée, la théorie que Mme Macdonald expose avec beaucoup de clarté, en l’appuyant d’argumens toujours spécieux,