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général, » mais si « du général » il ne saurait y avoir de politique. Les Florentins l’auront faite telle, et elle se maintiendra telle, non pas seulement avec un Nifo, qui ne fut qu’un plagiaire, mais avec les Sabellico, les Castiglione, les Contarini, les Strozzi, les Paruta, les Boccalini, les Gramigna, les Botero, les Frachetta, les Crasso, pour s’épanouir et fructifier magnifiquement, en passant par les Alfieri, dans les prophètes, dans les apôtres, dans les héros du Risorgimento ; si bien que, le machiavélisme contenant en principe toute la science politique italienne, et cette science éminemment et essentiellement réaliste tendant de tout son effort aux réalisations, il se trouve contenir en germe toute l’Italie, dans qui il se réalisera, ou qui se réalisera par lui. »


III

Campanella déclare quelque part d’un ton de certitude que « le machiavélisme est issu de l’aristotélisme. » Ce que nous savons de Machiavel et de ses contemporains, de ses concitoyens voués à l’étude et à la pratique des affaires d’Etat, des Guicciardini, des Giannotti, des Soderini, des Bernardo del Nero, montre qu’il n’en est rien, ou très peu de chose. Je souscrirais bien plus volontiers au jugement de M. Pasquale Villari, relevant « la nécessité historique de ce que beaucoup ont appelé le machiavélisme. » Non, le machiavélisme n’est pas sorti de l’aristotélisme : il est sorti du milieu et du moment. Nous l’avons vu faire ses premiers pas avec Muzzo et Francesco Sforza, avec Bianca Maria Visconti et Girolamo Biario ; croître avec Caterina Sforza ; atteindre en César Borgia son entier développement. Nous l’avons vu dans le Prince et dans les conjurations, dans la tyrannie et dans le tyrannicide. L’Individu libre et lâché, ruant, sous les coups de la Fortune, la Bête souple et superbe, renard et lion, toujours à l’affût ou à l’assaut de la proie, le Surhomme était né quand ce livre fut écrit.

Machiavel ne vint que parce que les temps du machiavélisme étaient venus. Il ne leur apporta pas, il leur prit l’ « amoralité » de ses formules ; cette sorte d’ « indifférence au contenu » qui fait que pour lui il n’est ni bien ni mal, il n’est que fins et moyens, qu’échec et succès ; le mépris de toute sensibilité vraie ou fausse, juste ou excessive ; le goût de « la manière