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convoquerait que le 29 novembre. Le décret, signé le 3 octobre, fut aussitôt publié.

Jusqu’au 26 octobre, le gouvernement fut dans les transes, Magne surtout allait à tout instant au ministère de la Guerre s’assurer que l’armée serait prête, et il ouvrit l’avis que l’on fît arrêter la veille les personnages suspects. Il ne connaissait pas les députés irréconciliables : ce n’étaient plus les héros du cloître Saint-Merry, les Janne, les Guinard, les Barbes, les Godefroy Cavaignac ; c’étaient de prudens personnages, plus capables de coups de gueule que de coups de main, et de qui aucune témérité n’était à redouter. Tant qu’ils avaient pensé effrayer le gouvernement, ils avaient menacé ; dès qu’ils le sentirent ferme, ce fut un sauve-qui-peut comique. Ferry, pour couvrir le désarroi, écrivit le 5 à ses collègues de se rendre, non sur la place de la Concorde, ni au Palais-Bourbon, pour y former une Constituante, mais au lieu ordinaire des réunions de la Gauche, pour répondre collectivement au décret insolent du 3 octobre. De son côté Kératry, tout à coup assagi, déclare qu’il ne se rendra pas le 26 à la Chambre : il ne veut pas que la lutte engagée entre le pouvoir personnel et les représentans de la nation se dénoue par une émeute ; le décret du 3 octobre, que Ferry avait considéré comme une insolence, est pour lui une capitulation ; pour Jules Favre, quelques jours après, c’était un traquenard. La Gauche, réunie au lieu ordinaire de ses séances, confirma qu’elle n’irait pas à la Chambre le 26 et ne fournirait pas au gouvernement l’occasion de se retremper dans une bataille : « Nous nous réservons pour l’ouverture effective de la session. Alors, nous demanderons compte au pouvoir de la nouvelle injure faite à la nation. Alors, nous montrerons, par l’épreuve même qui se fait depuis trois mois, que le pouvoir personnel, tout en feignant de s’effacer devant la réprobation publique, n’a pas cessé d’agir et de parler en maître. Alors, enfin, nous poursuivrons, sur le terrain du suffrage universel et de la souveraineté nationale, le seul qui subsiste désormais, l’œuvre de revendication démocratique et radicale dont le peuple a remis le drapeau dans nos mains (18 octobre). »

Toutes ces grandes phrases ne trompèrent pas la foule. Il n’y eut qu’un cri : « Ce sont des blagueurs et des lâcheurs ! » Mon ancien concurrent, Bancel, fut déclaré indigne de son mandat et sommé de le déposer. Il n’échappa que par la fuite aux