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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/382

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VII

Il était nécessaire, croyons-nous, de laisser la parole aux différentes nationalités. Après avoir, sur place, impartialement écouté leurs représentons les plus autorisés, après avoir contrôlé leurs dires par leurs écrits, nous nous sommes efforcés de résumer exactement leurs opinions ; pour juger du bien fondé de leurs prétentions rivales, il n’existe aucun critère dont les uns ou les autres ne puissent récuser la valeur, aucune autorité dont le jugement s’impose comme une vérité de droit. Même, si elle était réalisable, une enquête conduite dans chaque village par un voyageur absolument désintéressé dans toutes les querelles nationales, et parlant cependant toutes les langues du pays, serait encore sujette à bien des critiques. A quelques mois d’intervalle, dans les mêmes localités, elle donnerait peut-être des résultats très différens, tant la peur et l’intérêt pourraient encore influencer les attitudes et dicter les réponses. La multiplicité des témoignages reste peut-être, en pareil cas, le meilleur moyen de se faire une idée de la réalité ; ils se critiquent les uns par les autres et leur confrontation fait tomber d’elles-mêmes les plus grosses exagérations : on n’aura pas été, au cours des pages qui précèdent, sans en faire la remarque. Nous nous bornerons donc à quelques observations d’ordre général.

Il est intéressant d’observer d’abord qu’aucune des races chrétiennes concurrentes ne reconnaît au Turc un droit quelconque sur la terre macédonienne. La conquête et cinq siècles de possession de fait ne leur paraissent pas suffisans pour établir la prescription et créer le droit ; ils professent qu’il n’y a pas de droit contre le droit, ni de prescription contre les abus de la force ; ils proclament ainsi, implicitement au moins, qu’au-dessus de leurs querelles intestines, il existe une solidarité des chrétiens en face des musulmans. La fidélité des Valaques roumanisans, qui font montre de loyalisme vis-à-vis du Sultan, est surtout le résultat d’une tactique opportuniste résultant d’une communauté momentanée d’intérêts.

Les Turcs, cependant, sont nombreux en Macédoine. Des colonies ottomanes se sont établies dans les plaines, et de nombreux villages, reconnaissables de loin à la flèche aiguë de leurs minarets, sont turcs presque sans mélange. Entre le Vardar et