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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/399

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De ton geste éternel renouant ta sandale,
Levant ta jambe haute et ton genou divin,
Fugitive à jamais liée au marbre pâle,

D’où viens-tu donc ? quel dieu t’attend sans doute en vain ?
Tu ne peux plus presser ta marche impatiente,
Et tu n’atteindras pas le vieux bonheur humain.

La volupté de ton attitude me hante.
Alerte est ton repos, rapide est ton arrêt ;
Ta tunique de pierre est toute transparente.

Mais, va ! laisse le nœud inutile et secret.
On arrive toujours trop tôt dans l’ombre noire ;
Partout la tombe s’ouvre, et le sépulcre est prêt.

O passante ! A quoi bon, marchant vers sa victoire,
Hâter ton féminin et délicat effort ?
Tes genoux entr’ouverts enchantent ma mémoire.

Entends-moi. Reste ainsi… La vieillesse et la mort,
Plus loin, guettent ta force et ta jeunesse lasse ;
Déjoue, en t’arrêtant, la traîtrise du sort,

Tu ne dois pas me fuir… Tu te nommes la Grâce !


L’ESCALE


Le clair paysage d’Asie
S’étend, mol, paisible et boisé.
Arrête notre fantaisie
Par ce crépuscule irisé,

Arrête-nous sur la mer pâle,
Dans le golfe, où le flot soyeux
Berce les méduses d’opale,
Comme des fleurs aux reflets bleus ;

Beau navire a la coque verte,
Arrête-nous, arrête-nous !
La plage allongée et déserte
Est un grand tapis jaune et doux.