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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/472

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une force supérieure ; elle le sent bien, du reste, et m’en tient compte. A l’occasion de mon départ projeté, nous nous sommes, de nouveau, serré les mains d’une étreinte très vive : je t’envoie les vers que j’ai écrits pour elle. Mais, sous tout cela, je reconnais tranquillement, avec mon cœur comme avec ma raison, que nous ne pouvons que nous tendre la main par-delà une frontière qui nous empêchera toujours de nous unir plus étroitement. »

Il parle encore de cette « frontière » dans plusieurs autres de ses lettres ; et souvent il ajoute expressément que cette « frontière » est « le Rhin, » c’est-à-dire la différence de la nationalité intellectuelle et morale de Mme de Staël et de la sienne propre. Car ce long séjour dans un milieu français, faute d’avoir été suffisamment préparé, a eu pour effet d’achever à jamais son « déracinement. » Toute sa pensée et tout son cœur sont maintenant à Berlin. L’Allemagne a décidément conquis cette âme exquise de poète, que la nature avait destinée à fleurir pour nous.


T. DE WYZEWA.