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participé qu’aux fonctions administratives : conseiller municipal, adjoint au maire, conseiller général. En 1860, il fut nommé, avec le concours du gouvernement, député d’Angers. Il s’était d’abord consacré à l’étude des questions financières et des affaires proprement dites, et son opinion faisait presque toujours loi dans les matières compliquées. Quoique persuadé de bonne heure de la nécessité de transformer les institutions de 1852, il ne s’unit pas aux premières manifestations libérales. Ce ne fut qu’après les élections de 1869, qu’il se prononça et ne balança plus à s’unir à nous. Il prit une part prépondérante à toutes les délibérations des 116. C’était un auxiliaire des plus précieux, car il savait à fond les affaires et excellait à les exposer. Quoique ayant fait sa réputation au barreau, il n’avait conservé aucune des habitudes traînantes de l’avocat. D’un bond il allait au centre du sujet ; de là en parcourait toutes les parties, les expliquait en une langue abondante et précise, avec un élan, une force, un accent communicatif qui entraînait. Tout contribuait à son action : sa physionomie ouverte, dans laquelle brillait la sérénité d’une âme délicate et droite ; son geste sobre, sa voix pleine. Un trait de son caractère ajoutait à l’effet de sa parole : sur les principes supérieurs, il était inébranlable et il se décidait sans aucune hésitation ; sur la conduite quotidienne, au milieu des incidens confus des luttes politiques, il était souvent perplexe, non par pusillanimité, mais par scrupule ; il craignait trop d’embrasser le mauvais parti. Comme il avait longtemps hésité avant d’adopter son opinion, il était en parlant préoccupé de se convaincre, autant que de convaincre les autres, et cette préoccupation involontaire ajoutait à son éloquence je ne sais quoi de pénétrant, presque de pathétique, et un accent que les parleurs apprêtés n’ont jamais rencontré. C’était certainement l’orateur du Corps législatif qui avait le plus spontanément le don de l’émotion.

Louvet avait été vingt-cinq ans maire de son pays ; vingt ans président du conseil général, député sans interruption de 1848 à 1870, preuve de l’estime universelle qu’il avait su gagner par une longue vie de probité, de dévouement aux intérêts de ses concitoyens. Sa piété sincère se manifestait par sa charité et par la pratique de toutes les vertus domestiques et civiques. Les affaires financières auxquelles il s’était adonné ne l’avaient pas absorbé au point de lui faire négliger la culture générale de