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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/574

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la coiffe immémoriale. Nous voyons l’assistance face à face, comme la voit le prêtre lorsqu’il se retourne pour lui parler. Le sujet de ce tableau n’est donc pas la cérémonie même de la messe comme nous la montrerait un peintre religieux du XVIIe siècle ; ce n’est pas, rendu sensible, le prodige du Saint-Sacrifice, comme nous le verrions dans un tableau de Primitif : c’est l’impression faite sur la foule bretonne par la solennité dominicale avec tout ce qu’elle ramène de souvenirs familiaux et d’idées ancestrales à la surface tranquille et limpide de ces vies.

Dans les yeux mi-clos des grandes figures glabres qu’ont les Bretons aux longs cheveux, debout dans l’ombre, dans les yeux à demi baissés des sœurs blanches réceptrices et dispensatrices de toute la lumière que le vitrail leur envoie, dans les yeux grands ouverts des enfans serrés et attentifs, c’est tout le mystère divin qui passe. Nous jugeons du miracle par son reflet. Vainement on chercherait aujourd’hui l’œuvre d’art vraiment digne de ce nom qui nous montrât autre chose. Depuis longtemps les anges, les démons, les figures miraculeuses ou miraculées, les nimbes et les gloires ont fondu au soleil de la couleur moderne et disparu comme les voix de Bastien-Lepage dans le jardin de Domremy. Mais en même temps, chose que l’art religieux d’autrefois n’eût jamais songé à faire, les artistes se sont appliqués à chercher, dans l’attitude et l’expression des croyans, figurés tout seuls, sans que l’objet de leur culte les explique, une profonde impression religieuse. Le sujet principal de la peinture religieuse comprise de la sorte n’est plus Dieu ; c’est l’homme et l’idée de Dieu qu’on peut démêler en lui. On se rappelle les figures observées ainsi par Alphonse Legros, par Laboulaye, par Lhermitte, par Herkomer. Cette conception de l’art religieux n’est donc pas toute récente, mais jamais elle n’a mieux répondu à l’obscur instinct que nous avons des rapports de la foi et de la vie. Et comme, d’ailleurs, on ne saurait relever en cette Grand-messe, la moindre affectation ni intention confessionnelle ; comme elle est manifestement une chose vue et aimée pour son caractère pittoresque et rendue par des moyens pittoresques, on ne se plaindra pas que M. Lucien Simon n’ait point quitté son pays, ni ses figures, ni son métier d’autrefois.

M. René Ménard non plus, et l’on ne s’en plaindra pas davantage. Sans doute, c’est une étrange disgrâce de notre humanité chétive et vainement consolée de sa laideur par la qualification