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trône d’Espagne, n’interdisant rien, ne conseillant rien, se contentant de renouveler une fois de plus l’assurance de sa neutralité bienveillante. L’entretien porta surtout sur l’insurrection menaçante qui venait d’éclater à Cuba et qui préoccupait les Espagnols autant que le choix d’un roi. Beaucoup d’hommes politiques espagnols demandaient des sévérités impitoyables ; d’autres jugeaient déraisonnable de s’épuiser en sacrifices d’hommes et d’argent, pour retenir, attachées à la mère patrie, des populations ardentes à s’en séparer. Mais, si ce n’est l’Angleterre aux Iles Ioniennes et récemment la Suède, quand a-t-on vu un gouvernement abandonner volontairement sa proie ? Les Espagnols s’étaient donc décidés à résister à l’insurrection. La clameur des Etats-Unis protestait contre leurs mesures de rigueur ; l’opinion publique y avait pris à ce point parti en faveur des insurgés qu’on supposait le président disposé à leur accorder la qualité de belligérans. Prim pria l’Empereur d’écarter cette complication et d’empêcher que le tête-à-tête avec les Cubains fût interrompu par une intervention étrangère. L’Empereur promit d’employer ses bons offices auprès des Etats-Unis.

On glosa fort en Espagne sur ce qui s’était dit à Paris. Castelar dénonça la prétention du gouvernement français d’imposer à la nation espagnole un monarque étranger, accusa Prim de traîner sa dignité sur le pavé des cours étrangères, de se concerter avec Napoléon III et de devenir le satellite du césarisme. Il ne dit pas quel était le monarque étranger ; il en eût été fort embarrassé. Silvela releva cette sortie : « M. Castelar a dit que la diplomatie espagnole s’était traînée sur le pavé d’une cour étrangère, et avait eu à souffrir le veto de l’empereur des Français, contre le duc de Montpensier, le roi de la classe moyenne, et un autre, contre l’avènement de la République. Cette accusation est inexacte. Il est très vrai que je suis allé cet été à l’étranger pour des motifs de santé, et plût à Dieu que ce fût là une fiction diplomatique. Me trouvant à la Cour de France, j’ai vu l’Empereur, comme le ministre de Russie l’avait vu le jour précédent, et comme celui d’Angleterre le vit après, non pour me traîner dans les antichambres étrangères, mais pour remplir un devoir de courtoisie, qui n’est peut-être pas dans les habitudes républicaines, mais qui est dans les miennes. Dans cette entrevue, il n’y a eu de veto, ni contre rien, ni contre personne ; il n’a été demandé de faveur pour aucun candidat, aucun