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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/676

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dissimulant peut-être l’inefficacité foncière des méthodes et la médiocrité des résultats ; une extrême souplesse dans les procédés et dans les relations cachant un caractère inflexible, passionnément fidèle à son maître et à la grandeur de son pays ; un art consommé de mettre en scène, d’éblouir, avec le don de séduire et le talent de persuader ; une âme passionnée, avec la longue accoutumance de la dissimulation et les dehors de la froideur ; une connaissance naturelle des hommes, de leurs intérêts et de leurs inimitiés ; des qualités de chef avec des défauts de bureaucrate : tel apparaît Hilmi Pacha. En somme, dans l’affaissement général des caractères sous l’absolutisme hamidien, un homme habile qui fait figure d’homme d’Etat.


III

L’arrivée d’Hilmi Pacha à Salonique, le 8 décembre 1902, coïncidait avec les nouvelles les plus alarmantes. La première année de l’insurrection était terminée, mais la pacification était loin d’être faite. « D’après tous les renseignemens que je reçois, écrivait le 15 décembre M. Bapst, et qui concordent avec ceux des autres ambassades, jamais les exactions et les brutalités n’auraient été plus nombreuses de la part de la gendarmerie et de la troupe régulière. Des colonnes sillonnent le pays pour rechercher les armes et les saisir ; pendant leurs perquisitions, elles sont logées chez l’habitant et profitent de cette circonstance pour le dévaliser… Les jours de paie, les employés de la Compagnie Salonique-Monastir sont régulièrement dépouillés par les soldats chargés de garder la voie. L’ambassadeur de Russie m’a entretenu de ce redoublement de persécutions contre les populations macédoniennes : il constate que les violences des Turcs affolent la population chrétienne qui émigré en foule dans la principauté de Bulgarie ; le gouvernement princier est impuissant à contenir le sentiment de colère que l’afflux de ces malheureux excite contre les Turcs ; si d’ici peu le calme et la sécurité ne sont pas rétablis en Macédoine, on ne saurait pré voir ce qui peut advenir[1]. » A Salonique, M. Steeg partageait ces appréhensions et traçait, avec une remarquable netteté

  1. Livre jaune de 1902, no 47.