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découvertes ne nous apprennent rien, aujourd’hui, que nous n’ayons su d’avance ; elles ne nous prouvent pas autre chose que sa naïveté, sincère ou affectée. N’importe, l’affaire ne tournera pas à l’honneur du Cabinet. Lorsqu’on fait de certaines choses, il ne faut pas se laisser prendre dans la manière dont on les exécute, sinon les complices, ou ceux qui s’apprêtaient à le devenir, s’empressent de dégager leur responsabilité : et c’est le cas de la Commission de la Chambre.

Cette affaire Montagnini n’a d’ailleurs pas produit toute l’impression qu’elle aurait dû produire. L’opinion s’est habituée aux brutalités du gouvernement, et elle ne croit plus aux complots que M. Clemenceau ne manque jamais d’inventer quand il éprouve des embarras politiques. On s’est un peu étonné, d’abord, des invraisemblances et des maladresses de la diplomatie pontificale ; mais bientôt, lorsqu’on a commencé à mieux connaître les papiers du prélat italien, l’indifférence a remplacé la curiosité, et la Commission parlementaire aura désormais bien de la peine à faire naître un autre sentiment. En France, quand une affaire a assez duré, on passe à une autre ; le réchauffé n’y fait jamais fortune. Pour le moment, d’autres préoccupations sont entrées dans les esprits, et c’est du côté du Midi que les regards se tournent.

Il se passe là, dans plusieurs départemens, un phénomène psychologique d’un ordre assez inquiétant. Le Midi souffre, — et très cruellement, — de la mévente des vins dont les quantités sont trop abondantes ; il se livre à des manifestations multipliées et imposantes dans lesquelles il crie sa misère ; il se tourne enfin du côté du gouvernement et lui demande quoi ? un miracle, ni plus ni moins, et un miracle à terme : il ne lui donne qu’un petit nombre de semaines pour le faire. Si, le 10 juin prochain, des mesures efficaces n’ont pas été prises pour apporter à ses souffrances un soulagement immédiat, le Midi ne sait pas encore ce qu’il fera, pas plus qu’il ne sait d’ailleurs ce que le gouvernement doit faire pour venir à son secours, mais il fera quelque chose de terrible, et dont on parlera longtemps.

Dieu nous garde de prendre la chose à la légère ! Au degré de surexcitation où les esprits sont montés, tout est à craindre. Un jour déjà, à Béziers, la foule a commencé à se porter à des voies de fait, et il s’en est fallu de peu que la mairie ne fût saccagée. Depuis, des foules beaucoup plus considérables encore ont été mises en mouvement, à Perpignan, à Narbonne, à Carcassonne. Les manifestans, dans cette dernière ville, étaient, dit-on, plus de deux cent mille ; peut-être seront-ils encore plus nombreux dimanche prochain à Nîmes, où