Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’on y revient, on le trouve refroidi ou réchauffé, et ne valant plus rien. D’ailleurs, je n’aimerais pas à avoir un représentant qui ferait de la politique avec des femmes. » Nous avons à Pétersbourg un homme remarquable sous tous les rapports, c’est le colonel Schweinitz, attaché militaire. Si j’étais le maître absolu, je le nommerais d’emblée ambassadeur à Paris. J’en ai parlé au Roi, mais cette nomination, qui serait en dehors de notre routine, effrayerait tout le monde. Schweinitz est du bois dont on fait les hommes d’État, je le garde en réserve pour les grandes occasions. Reste Werther. C’est encore le meilleur choix. Werther n’est pas un aigle, mais il est consciencieux, a le sentiment du devoir, est incapable d’une intrigue, sobre de rapports, nullement fantaisiste ; il est comme un scarabée qui veut tout sentir avec ses antennes, et qui ne nous dira jamais que ce dont il est sûr. Sa nomination satisfera son ambition, il n’en a pas d’autre que de mourir ambassadeur à Paris. Vous êtes la première personne à qui je parle sur ce sujet : c’est parce que je voudrais que M. Benedetti connût cette conversation, et les motifs qui ont déterminé notre choix. » Stoffel dit à Bismarck : « Est-ce une indiscrétion de vous demander par qui vous remplacerez Werther à Vienne ? — Nullement, nous y envoyons le colonel Schweinitz. Comme je vous l’ai dit, c’est un homme supérieur, et s’ils s’offusquent, à Vienne, qu’on leur envoie pour ambassadeur un simple colonel, tant pis pour eux ! Schweinitz les vaut tous, et si Dieu me prête vie, j’en ferai notre futur ambassadeur à Paris. Je passe à un autre sujet. Le vice-roi d’Égypte est venu inviter le Roi à assister à l’inauguration du canal. Le Roi est trop âgé pour voyager, et cependant il voudrait répondre à la visite de Coblence. Le prince royal a le plus grand désir d’aller à Suez. C’est une envie de jeune homme qui veut faire parler de lui, et qui veut s’émanciper de la tutelle de son père. Comme je vous l’ai dit ce matin, mes relations avec le prince sont meilleures depuis dix-huit mois, et, comme il est de mon intérêt de les rendre aussi bonnes que possible, je favorise sa première tentative d’opposition à sa femme, car elle s’oppose de toutes ses forces à ce que son époux fasse le voyage. L’Impératrice ira-t-elle en Égypte, et, si elle y va, quelle sera son escorte ? Je l’ignore, mais il serait ridicule que nous parussions dans la Méditerranée et dans les eaux françaises, avec un appareil supérieur à celui de l’Impératrice. La France est une grande puissance