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récompensât ses domestiques qui l’avaient si bien servie. Mme de Maintenon se tenait dans la ruelle du lit ; elle pleurait beaucoup. « Oh ! ma tante, vous m’attendrissez, » lui dit la princesse. Elle tenait en effet à conserver tout son courage. Au Roi qui entrait à chaque heure dans sa chambre, on lui fit remarquer qu’elle ne disait rien. « C’est, répondit-elle, que je crains de m’attendrir. » Avec ses dames, elle s’abandonnait davantage. Elle demanda celles qu’elle aimait le mieux pour leur dire adieu. Lorsque la duchesse de Guiche, une de ses préférées, s’approcha : « Ma belle duchesse, lui dit-elle, je vas mourir, » et comme celle-ci lui répondait en pleurant : « Non ! non ! Dieu vous rendra aux prières de Monsieur le Dauphin. — Eh ! moi, répliqua la princesse, je pense le contraire, et que, parce qu’il est agréable à Dieu, il lui enverra cette affliction. » Elle dit ensuite aux personnes qui se tenaient à l’entour de son lit, ces paroles, les dernières qu’en pleine connaissance elle ait prononcées et qui, dans une si jeune bouche, ne sont pas sans quelque grandeur et beauté : « Aujourd’hui princesse, demain rien, et dans deux jours oubliée. »

Cependant, le Roi et le Duc de Bourgogne qui, de son côté, était en proie à la fièvre et que les ordres formels du Roi retenaient toujours dans sa chambre, ne voulaient pas perdre tout espoir. Ils provoquèrent ce qui était, ce qui est encore l’usage dans les cas désespérés, une consultation de médecins. On en rassembla jusqu’à sept : Fagon, premier médecin du Roi, Dodard, premier médecin du Dauphin, Boudin, premier médecin de la Dauphine, La Carlière, premier médecin du Duc de Berry, enfin Desmoulins et Chirac, le premier, médecin du Roi, le second, médecin du duc d’Orléans. Ces deux derniers étaient venus à Versailles pour voir d’autres malades, et ils s’en étaient retournés à Paris. Le Duc de Bourgogne avait fait envoyer à leur recherche deux chaises qui les rejoignirent sur la route et les ramenèrent. La consultation eut lieu en présence du Roi et de la reine d’Angleterre, qui était accourue de Saint-Germain, dans le salon même de la Duchesse de Bourgogne. Ils opinèrent pour une nouvelle saignée (c’était la quatrième), à la réserve cependant de Dodard et surtout de Desmoulins, qui se prononça nettement contre, disant « que la saignée pouvoit être bonne dans un autre temps, mais que, dans ce temps-là, elle étoit dangereuse[1]. » On la

  1. Sourches, t. XIII, p. 294.