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eu un tremblement de terre ! » Nombreux aussi étaient les cas, où tout le monde se sentait pétrifié, quand il apparaissait. « Il vaut mieux mourir affublé d’un domino, que sous la protection de la croix : » ce fut ainsi que s’exprima Frédéric le jour où il apprit que Marie-Thérèse avait fait cesser le carnaval à la nouvelle de la catastrophe de Lissabon. La vie à la Cour de Berlin était loin d’être gaie, et la morale singulière de Frédéric devait sans doute en être la cause principale.

Tout autre était la Cour de Marie-Thérèse ! Un rayonnement de lumière et de chaleur enveloppait cette noble princesse ; en s’approchant d’elle chacun se sentait plus heureux. On l’aimait pour elle-même ; on l’adorait comme le comte Harrach, de qui la Reine a dit un jour « qu’il ne pouvait cacher son affection pour Thérèse en aucune circonstance. »

Marie-Thérèse était pieuse, mais en même temps heureuse de vivre. Elle ne s’interdisait aucun plaisir ; la danse la séduisait ; elle prenait part à l’enterrement du carnaval ; mais, une fois rentrée au « Bourg, » — au château, — et après avoir ôté son masque, elle savait reprendre son sceptre et sa couronne, et, sans avoir dormi, se jeter hardiment dans le tourbillon des affaires ! Quelle charmante vie de famille ne nous offre-t-elle pas dans son intérieur ? Quel amour n’avait-elle pas pour son mari et pour ses enfans et de quel respect, de quelle affection ceux-ci n’entouraient-ils pas tous ensemble l’impératrice douairière, la veuve de Charles VI ! Il n’y a pas eu d’excursion si insignifiante qu’elle fût, d’où, en revenant, on ne se soit pas dirigé chez l’impératrice-mère pour lui baiser la main.

C’est ainsi que Jean-Joseph consigne tout ce qui se rapporte à Marie-Thérèse et à sa Cour ; mais il enregistre aussi ce qui lui arrive personnellement, ainsi que ses réflexions sur tout ce qui lui déplaît. Il mentionne les nouvelles concernant l’histoire du monde, comme les bruits de la Cour : et nous, ses éditeurs, nous les transmettons aussi consciencieusement à la postérité.

Chez les Khevenhüller, on était coutumier de compléter sa vie en la racontant. Jean Khevenhüller, ambassadeur impérial à Madrid de 1573 à 1606, a laissé un journal très intéressant qu’on n’a pas encore suffisamment exploité au point de vue historique. On possède une lettre de son frère Barthélémy, qui avait une situation considérable dans sa province natale, la Carinthie, adressée à son fils François-Christophe, dans laquelle