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confiscation. La liste de « contrebande conditionnelle » est indéfiniment élastique par simple décision de la couronne. C’est pourquoi l’Angleterre n’a jamais accepté de négocier un accord sur la définition de la contrebande de guerre. Son avantage est de ne pas se lier les mains. Elle a donc sauvegardé sa liberté. Pareillement, en ce qui concerne les devoirs des neutres, elle les a toujours entendus dans un sens restrictif. Alors que la doctrine française ne limite pas la durée du séjour du vaisseau belligérant dans le port neutre, n’interdit ni ne limite la vente du charbon par le neutre, la doctrine anglaise, — sur laquelle s’est calquée en 1905 la doctrine japonaise, — Rome le séjour à vingt-quatre heures et n’autorise la vente que de la quantité de charbon nécessaire pour rejoindre le port le plus proche. Pourquoi ? Parce que l’Angleterre est la puissance la plus riche en points d’appui et en dépôts de charbon, et que, toujours sûre par conséquent de pouvoir se réapprovisionner chez elle, elle a tout profit à défendre à ses adversaires éventuels de se réapprovisionner chez les neutres. C’est là une exigence utilitaire, sur laquelle les argumens juridiques n’ont pas de prise. Par quels artifices pourrait-on, dans ces conditions, arriver à l’unité de doctrine que supposerait la conclusion d’un accord international ?

Certaines personnes, — parmi lesquelles il faut, croyons-nous, placer des membres de la délégation française à la conférence de La Haye, — répondent à ces raisons d’expérience par un argument qui ne manque ni de finesse, ni de sérieux, mais dont il ne faut pas, semble-t-il, s’exagérer la valeur. On ne peut pas, disent-elles, juger du présent par le passé. En effet, la situation relative des puissances sur mer s’est beaucoup modifiée depuis un quart de siècle. Il y a des marines de guerre nouvelles. L’Angleterre n’est plus la souveraine indiscutée des océans. Elle peut donc considérer que ses intérêts ont changé en même temps que sa situation, et trouver avantage à abandonner une partie de ses anciennes prétentions pour obtenir des garanties susceptibles, à l’occasion, de n’être pas moins précieuses pour elle que pour d’autres. En revanche, les puissances continentales, si l’Angleterre est disposée à faire quelques concessions, peuvent en consentir aussi, car les règles anglaises, élaborées en vue d’une marine forte et d’un commerce prospère, sont devenues, pour elles aussi, avantageuses. De ces concessions réciproques un accord ne sortira-t-il pas ? Sans prétendre préjuger l’issue des