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transformée devant l’administration en une peur assidue de lui laisser percevoir une ressource ou une faculté encore imposable. Sauf chez quelques tribus restées mâles, leur insoumission même n’est point acte de résistance, d’énergie, mais un délire momentané résultant de l’irritabilité nerveuse. On n’a pu trouver que chez les Haras du Sud quelques communautés franchement anarchiques qui refusaient l’obéissance à un roi : partout ailleurs, les peuplades les plus diverses étaient tenues en esclavage par leurs tyranneaux ; on a beaucoup parlé de l’indépendance des Sakalaves, et il est certain qu’ils sont turbulens, mais elle ne se manifestait point par une rébellion : ils avaient l’intelligence de multiplier leurs rois pour ne point leur être soumis et, au moindre mécontentement, ils passaient la frontière. Ils se dérobaient. Filer à la dérobée a toujours été l’art le plus raffiné de tous les Malgaches. Cela va bien avec leurs paresse forcée qui, avant d’être volontaire, résulte d’une grande anémie.

Mais, avec toutes ces tares d’un tempérament nerveux, ils en ont quelques avantages, pleins d’émulation autant que de vantardise. On a dit qu’ils singeaient 1rs Européens ; cependant, ils ne se laissent point aller tant à la séduction de les imiter que de surpasser leurs congénères. On peut même parler du snobisme des Hovas : des andrianes de Tananarive ou de Fianarantsoa ont des écuries de course, viennent se ruiner à Paris. quitte en rentrant à tirer profit de leurs anciens privilèges pour s’établir recruteurs de portefaix, d’ailleurs sans déroger, par des intermédiaires. Par ce snobisme, on peut faire accomplir à la race des progrès : en voyant les nobles élever des chevaux de luxe et gagner des prix, des bourgeois se sont construit des écuries, en font un objet de rapport ; d’autres élèvent des fermes à l’européenne. Même les roturiers ont de l’amour-propre. C’est en l’éducation de leur amour-propre que doit tenir le principal effort pour civiliser ces races, qu’elles soient orgueilleuses comme les Hovas ou complaisantes comme les Betsimisarakas. Ils sont aussi, quoi qu’on ait dit, mercantiles, aimant discourir, ruser et gagner ; même les andrianes sont commerçans, et cela encore est excellent à servir le progrès.

En résumé, ils se montrent beaucoup plus assimilables que ne croient ceux qui les jugent individuellement et d’après leurs rapports individuels avec l’Européen qui les frappe ou qui les flatte suivant l’heure : sans nul doute, les Betsimisarakas,