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et notre prestige s’épuisent ; le nouvel arrivé y est initié dès les premières heures, sans qu’un long séjour adoucisse la blessante impression de début ; des femmes qu’ont illustrées, d’un éclat il est vrai assez blafard, des aventures publiques, sont reçues dans les salons officiels, et la promiscuité en est imposée aux épouses des petits fonctionnaires et des colons. Cette philosophie d’indulgence aurait été tirée des exemples et des souvenirs de l’ancienne cour hova : du moins le dilettantisme des hauts fonctionnaires les invoque à décharge avec un sourire érudit. Dans les cercles de province que régissent des célibataires, ils abusent trop souvent de leur autorité, dépêchant leurs filanzanes et leurs miliciens à la conquête de jolies ramatoas signalées à plusieurs jours de marche et aiment à en parler avec humour et galanterie. On ne saurait assez s’ingénier à mettre dans le plus de postes des fonctionnaires mariés ; s’il n’entre point dans l’esprit de notre régime de leur donner des appointemens supérieurs à ceux des célibataires, ce qui serait cependant légitime à Madagascar où il est si important de faire l’éducation des indigènes et de créer des centres de familles françaises, on pourrait tourner la difficulté en allouant de fortes indemnités de logement et d’entretien aux premiers et en les supprimant aux autres, qui sont trop payés.

L’étendue des pouvoirs conférés à l’administrateur a été l’objet d’opiniâtres critiques. Ils ont été restreints par l’arrêté de 1905 concernant le code de l’indigénat, et on demande encore que la justice indigène leur soit enlevée, ainsi qu’en Algérie. Rien ne serait moins politique ni pratique ; sans insister sur les dépenses que nécessiterait la création d’un nouveau service judiciaire, il est aussi aisé de contrôler étroitement la façon dont les administrateurs usent de leurs prérogatives, déjà réduites, qu’il est impossible, si on les leur enlève, de leur demander de gérer leurs districts[1] ; lorsqu’on leur aura ôté le droit d’infliger les petites punitions et les amendes inférieures à cinquante francs aux autochtones, paresseux et rusés, ils ne sauront continuer à diriger les travaux de construction d’hôpitaux et de routes, d’assainissement et de plantations qu’on exige. Indubitablement

  1. L’expérience du général Lyautey, la science juridique de M. Arthur Girault (Congrès de sociologie coloniale) sont d’accord à proclamer qu’ « il n’est pas désirable d’établir une autorité judiciaire distincte de l’autorité administrative. »