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pour sortir d’une impasse et qu’il préfère battre les murs adroite et à gauche, il est toujours à craindre qu’il ne se laisse entraîner à une sottise, peut-être à une infamie.

Le dilemme posé par Serrano et par la force des choses s’accentua d’autant plus vigoureusement que la candidature du duc de Gênes disparut d’elle-même comme l’avaient fait, comme le tirent toutes les combinaisons mort-nées en dehors des deux seules combinaisons raisonnables et possibles, la République ou Alphonse[1]. Pendant que la négociation se traînait à Gênes, à Florence, à Londres, Lanza, moins complaisant que Menabrea aux idées du Roi, arriva aux affaires. Il n’admit pas sa prétention de considérer l’acceptation d’un trône comme une affaire privée, relevant exclusivement de son autorité de chef de famille[2] : c’était une affaire d’Etat relevant, dans l’ordre constitutionnel, du ministère. Or, le ministère n’approuvait pas cette candidature[3]. Visconti le notifia à Montenar et lui fit remarquer combien l’attitude réservée des grandes puissances européennes dans une question qui, cependant, les intéresse toutes au même degré que l’Italie, avait dû nécessairement influer sur les décisions du gouvernement du Roi[4]. Victor-Emmanuel fut obligé de se rendre à l’opposition de la mère et au veto de ses ministres. La candidature du duc de Gênes fut abandonnée (3 janvier 1870).

Ces pourparlers n’étaient pas restés dans le secret des chancelleries. Le public en avait eu des échos. En France c’avait été un sentiment d’étonnement et de blâme. On ne comprenait pas qu’après avoir, en 1866, compromis notre grandeur pour le plaisir platonique de donner la Vénétie à l’Italie, notre gouvernement s’employât à placer encore cette Italie en sentinelle sur notre frontière des Pyrénées après l’avoir placée sur notre frontière des Alpes. Prévost-Paradol releva cette imprudence : « Les querelles intérieures, si graves qu’elles soient, peuvent s’arranger

  1. De Malaret, 5 janvier 1870.
  2. Sybel est tout à fait inexact en ce qui concerne cette candidature d’Italie ; il n’est pas vrai qu’antérieurement Napoléon III se fût opposé à la candidature du duc d’Aoste par amour pour la reine Isabelle. Il n’avait aucun amour pour la reine Isabelle et il s’était montré au contraire favorable à la candidature du duc d’Aoste. Il n’a pas agi à Florence en faveur du prince Thomas. La preuve en est dans le langage de Visconti-Venosta à Malaret, constatant la réserve dans laquelle les puissances intéressées s’étaient tenues. L’Empereur avait dit qu’il ne s’opposerait pas et il n’est pas allé au-delà.
  3. Mercier, 20 décembre 1869.
  4. Notes de Montenar.