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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/954

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menacerait de se couper un bras ou une jambe, si on ne lui obéissait pas. C’est à elles surtout que les communes du Midi feraient du mal si, après avoir supprimé leurs municipalités, elles restaient longtemps dans cet état inorganique où leurs intérêts n’auraient plus de représentation effective et efficace. Plus tard, lorsque les municipalités seront rétablies, on s’émeut pour de malheureux employés et fonctionnaires, très innocens de tout ce qui se passe aujourd’hui, à la pensée de la peine qu’ils devront prendre pour réparer le temps perdu et remettre à jour le travail interrompu. Ce sera vraisemblablement le résultat le plus clair de cette démission des municipalités dont le Midi nous fait un épouvantail. Que de naissances, que de décès ne faudra-t-il pas enregistrer d’un seul coup si on ne le fait pas au fur et à mesure qu’ils se produisent ! Que de mariages ne faudra-t-il pas faire à la fois ! Car on ne pourra pas se marier pendant l’interrègne municipal, ce qui sera peut-être une privation pour quelques personnes ; elles en prendront leur parti plus difficilement que l’État ; ce dernier ne sera pas le plus puni. La plupart de ces larges gestes méridionaux, qui se dessinent en vigueur et en force sur un ciel lumineux, se retournent contre ceux qui les font. Il est vrai que le Comité d’Argeliers admet le droit pour le gouvernement de nommer des commissions municipales qui feront une partie de l’œuvre des municipalités. La grève farouche ne va pas sans quelques accommodemens discrets avec les intérêts publics et privés.

Mais le refus de l’impôt ? Si la grève du contribuable durait beaucoup, l’État évidemment souffrirait quelque atteinte. Il ne faut pas croire, toutefois, que le mal serait senti immédiatement et que, dès le lendemain du 10 juin, un vide redoutable se produirait dans le Trésor public. Le contribuable a un certain temps pour payer l’impôt ; on pourrait, au besoin, lui en accorder un peu plus dans des départemens dont les souffrances sont incontestables et qui méritent dès lors quelques ménagemens. Sans rechercher davantage quelle est la part de responsabilité du Midi dans la crise qu’il traverse, cette crise existe et elle est douloureuse. L’État ne fera pas les miracles qu’on lui demande ; il y a quelque puérilité d’imagination à l’en croire capable ; mais s’il peut venir au secours du Midi sous une autre forme, assurément il doit le faire au nom de la solidarité nationale. Nous ne verrions, par exemple, aucun inconvénient grave à ce que certains délais fussent accordés pour l’acquittement des impôts, ni même à ce que certains dégrèvemens fussent consentis. Jusqu’où peut-on aller dans cette voie, ce n’est pas à nous à le dire : le gouvernement