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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/98

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Gaule de César et de Vercingétorix. Vingt-cinq ans avaient passé depuis la chute d’Alésia ; mais Antoine lui-même, qui l’avait vue s’élancer furieuse sur les champs de bataille, se multiplier avec un courage indomptable pendant de si longues années dans les embûches et les révoltes, Antoine lui-même n’aurait pas reconnu la Gaule contre laquelle il avait combattu, dans cette génération vieillie qui se réunissait à Narbonne autour d’Auguste. La Gaule de Vercingétorix s’était elle-même presque réconciliée avec Rome. Pacifique et désarmée, elle s’adonnait à l’agriculture et à l’élevage des troupeaux ; elle s’enrichissait. Si elle n’allait pas jusqu’à admirer et vouloir imiter tout ce qui venait de Rome, elle laissait pourtant se romaniser ses jeunes gens, la génération nouvelle qui n’avait pas vu la grande guerre nationale, ou qui l’avait à peine entrevue dans son enfance. Dès la venue de César en Gaule, Rome avait eu de nombreux amis dans la noblesse gauloise, mécontente du désordre intérieur, irritée de l’insubordination de la plèbe et des exigences de la haute ploutocratie, alarmée par la faiblesse militaire croissante du pays, et la prépondérance germanique qui menaçait. Cette noblesse, en butte à la fois à l’amour de l’indépendance et à la peur des Germains, tantôt irritée par l’arrogance romaine, et tantôt effrayée par les menaces populaires, avait pendant neuf ans oscillé sans cesse entre César et la Gaule. Elle n’avait ainsi apporté aucune énergie ni à soutenir, ni à combattre César, et aux momens critiques, avait tout laissé au pouvoir de minorités exaltées, si bien que, à la fin de l’an 52, une troupe de jeunes Arvernes, ayant à leur tête Vercingétorix, malgré leur inexpérience et leur peu d’autorité, étaient venus à bout de renverser le gouvernement et d’entraîner toute la Gaule dans la terrible aventure. Mais cette grande révolte avait échoué ; presque toute la noblesse irréconciliable avait péri dans les guerres successives ou avait émigré ; et le parti national une fois épuisé, la plus grande partie de l’ancienne noblesse était revenue à ses premières dispositions, d’autant plus vite que César avait su la rassurer par d’habiles concessions. Les Eduens, les Lingones, les Rèmes avaient conservé la condition d’alliés, qui leur permettait de traiter avec Rome sur le pied d’égalité, comme des États indépendans ; de nombreux peuples avaient été déclarés libres, c’est-à-dire autorisés à vivre avec leurs lois et à ne pas recevoir de garnisons romaines, et obligés seulement à