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La rédaction des articles consacrés à la juridiction soulève une autre question non seulement intéressante pour les juristes politiques, mais qui embrasse des conséquences d’une assez grande étendue : tant dans le texte du traité que dans les protocoles annexes, il est fait mention des protégés et des sujets français. Or notre droit public n’a pas jusqu’ici comporté ce terme : Les esprits ultra-logiques, comme il en est chez nous à foison, se refusent à l’admettre : pourtant il n’est pas possible de nier que l’idée et le fait aient bien une existence réelle. Nous avons des possessions peuplées de sujets, c’est-à-dire d’hommes soumis à la souveraineté française sans être des nationaux et sans jouir de tous les droits des citoyens français.

En résumé, suivant une expression déjà employée, mais qui s’adapte parfaitement à la circonstance, ce traité se présente comme une « cote bien taillée entre nos ambitions d’antan et les possibilités d’aujourd’hui. » Aucun esprit impartial ne saurait en contester la valeur. En se combinant avec le traité japonais, il semble indiquer la naissance d’une politique d’ensemble à appliquer à l’Extrême-Orient, instrument indispensable à notre pays, et qui a fait défaut trop longtemps aux efforts et à la bonne volonté de nos agens lointains. Ces deux traités assurent à nos établissemens une sécurité qui leur manquait d’un côté. Mais dans quelle mesure et pour combien de temps ?… Et dans ce milieu d’équilibre instable où sont accumulés tant de matériaux explosibles, les transformations dont nous venons d’être les témoins souvent surpris ne sont-elles pas l’amorce de révolutions plus grandes encore ? Les ententes et les alliances, subordonnées à la mutabilité des intérêts qui les ont suscitées, sont-elles d’une constitution solide et durable ? Les contrats dont nous avons parlé, s’ils écartent un certain nombre de dangers, ne font pas disparaître les autres. Nous avons donc toujours à prendre des précautions sans lesquelles l’Indo-Chine resterait incapable d’atteindre le but que la métropole y poursuit, à savoir la constitution d’un organisme assez bien défendu, assez robuste et assez riche pour apporter à sa puissance un surcroît de force et d’efficacité politique. Aussi ne saurait-on s’élever avec une trop inquiète énergie contre certaines propositions d’économies militaires et même de désarmement colonial qui surgissent déjà de quelques côtés, et qui surgissent à une heure particulièrement inopportune. Gardons-nous de prêter l’oreille à de si dangereux